ALEXIS MATHIEU : QUE FAUT-IL LE PLUS TRAVAILLER AVANT D'ARRIVER EN STRUCTURE DE HAUT-NIVEAU ?

Avoir des bases techniques solides

Ce qui m'a énormément servi, c'est ma base judo, ce que mes parents ont pu m'apporter, m'inculquer depuis le plus jeune âge. Sachant que j'ai appris le judo loin (ndlr : Nouvelle-Calédonie) dans un club vraiment tout petit, où il y avait moins de monde qu'en France, je n'avais pas la même confrontation. J'avais donc un peu de retard lorsque je suis arrivé en France et ça a été très dur de performer. 

Le judoka Alexis Mathieu

Mais ce qui m'a vraiment permis de passer des caps, c'est une bonne base judo, que ce soit sur les uchikomis, nagekomis, le fait d'attaquer dans plusieurs directions... J'ai vraiment une base technique solide.

Tout ce qui est physique ou kumikata, c'est venu au fur et à mesure une fois en structure. Je dirais, avec un regard extérieur, que j'ai donc fait les choses un peu à l'inverse de ce qui se produit en France où dès le plus jeune âge, on fait prendre du physique aux jeunes... 

Souvent, en cadets ou juniors, lorsque j'arrivais sur les championnats de France, les personnes qui gagnaient ou qui étaient sur le podium n'étaient pas vraiment très techniques. C'était plutôt des personnes avec beaucoup de capacités physiques et un ou deux mouvements, pas plus.

Au fur et à mesure, j'ai pris du physique, du kumikata avec la confrontation et j'ai commencé à monter d'un cran dans la ranking liste. C'est encore ce qui me fait parfois défaut sur le plan international... Sur certains profils, j'ai encore des problèmes, parfois, de kumikata par exemple. Le fait d'avoir vécu loin longtemps fait que j'ai ce petit train de retard que je rattrape au fur et à mesure. Aujourd'hui, ce qui me permet de gagner des combats, c'est ma capacité à attaquer dans tous les sens.

Chercher le ippon

Quand les gens me disent qu'ils aiment regarder mes combats, ça me fait plaisir. Il n'y a rien de pire que de s'ennuyer en regardant un combat de judo donc moi ce qui me fait vibrer, c'est de chercher le ippon et j'espère faire vibrer les gens aussi.

SHIRINE BOUKLI : COMMENT PROGRESSER GRÂCE À UN TRAVAIL "ONE-TO-ONE" ?

chercher, essayer, développer ses sensations

Avec Kilian (Kilian Leblouch), on fait beaucoup de techniques. Je fais beaucoup d'exercices de corps à corps, de mobilité, en gauchère, en droitière... L'idée est d'avoir une visibilité "360 degrés" dans ce que je fais. Il s'agit d'essayer des choses. En fait, on est sur du technico-tactique, par exemple sur les questions de distance. Cette partie-là me manquait vraiment car à l'INSEP, je ne faisais pas de séances techniques aussi spécifiques. Et tout ce qui est corps à corps, exercices de lutte ou encore le jujitsu, ça m'a permis d'avoir plus confiance en moi pour ma discipline. À la base, je ne suis pas du tout corps à corps mais j'ai l'impression que je commence à capter des choses, à avoir confiance en moi et donc à moins me sentir en danger. J'ai moins peur. Parce que bien sûr, on a peur de certaines situations parfois ! Il faut le dire : on a tous peur ! Il y a des situations où on n'est pas forcément à l'aise... Moi, j'ai peur de me prendre Ura nage quand je passe ma hanche par exemple. Mais grâce à ce travail, on sent des appuis... Même si ce sont des exercices anodins parfois, ça me fait progresser.

EXEMPLES D'EXERCICES, ÉTAPE PAR ÉTAPE.

Par exemple, on fait des exercices comme de la lutte où on se passe "bras dans bras" et on se met en situation de gauchère, de droitière... Puis après ça par exemple, je ne vais faire travailler que ma main droite et après que ma main gauche. Je vais être à distance et mon objectif va être d'empêcher de toucher mon kimono que avec ma main droite... en gauchère et en droitière, mais uniquement avec ma main droite.

La judoka Shirine Boukli

En fait, on se focalise sur des points précis et j'arrive ensuite rapidement à tout assimiler en un. Donc je fais cette main-là, l'autre, et puis les deux... et puis on se déplace croisé... et puis un peu de makikomi... Pourtant, moi, je ne fais pas du tout de makikomi ! En fait, je travaille beaucoup de choses que je ne passe jamais et que, peut-être, je ne passerai jamais ! Mais peut-être aussi que je le ferai le jour J ! Je n'en sais rien ! Mais à l'entrainement, ça développe des sensations, des trucs que, parfois, je ne me rends pas compte que je les fais ou je ne sais même pas pourquoi je les fais. Je suis beaucoup dans la sensation, c'est vraiment le judo que j'aime.

ÊTRE À L'AISE DANS TOUTES LES SAISIES, POUR DÉRANGER L'ADVERSAIRE

Je dois ajouter qu'on travaille aussi beaucoup les saisies dans mes déplacements. Parfois, je suis au triceps, parfois en haut, parfois au revers, parfois la manche... Et je suis de plus en plus à l'aise avec tout ce que j'attrape. Parfois j'attrape n'importe quoi et pourtant, la fille n'est pas à l'aise en face.

Je pense que parfois, on est trop dans le judo "j'ai toujours besoin d'être main droite en haut". Alors qu'en fait, pas forcément. Moi, si j'ai le triceps, je suis à l'aise... parce que je l'ai travaillé, dans plein de positions, dans le pousser, le tirer... Il y a beaucoup de déplacements et de décalages qui ne se voient pas forcément mais qui ne mettent pas à l'aise la fille. Parce que je mets de la tension sur le triceps par exemple, je la pousse, je la tire, ça crée des réactions et ça la met dans des situations où elle n'est pas bien en fait. Parfois, ça se joue à rien !

Donc c'est ça : le pré-contact, le déplacement avant saisie et tout ce qui est pousser-tirer. On ne peut pas faire judo qu'en traction et on ne peut pas faire judo qu'en pousser ! Donc il faut un peu mélanger 😉

AUDREY TCHEUMEO : COMMENT GÉRER UN GOLDEN SCORE ?

La judoka Audrey Tcheumeo

Le golden se travaille à l'entrainement, comme tout le reste. Mais c'est particulier car on peut dire que c'est "la mort subite". Il faut donc rester focus sur son schéma et être toujours lucide. C'est facile à dire mais c'est dur à faire. Il faut être sûr d'amener la personne dans le rouge donc il faut être déterminé jusqu'à la fin. Même si c'est dur...

DAIKII BOUBA : QUELS SONT LES POINTS DE FOCUS EN STAGE INTERNATIONAL ?

SE FROTTER AUX MEILLEURS POUR PROGRESSER

Sur ces stages internationaux, c'est l'occasion d'aller prendre les meilleurs mondiaux. Il faut aller les cibler directement parce que, bien sûr, il y a énormément de gens qui vont aller les inviter. Il sont donc souvent "full" pour leurs randoris ; il faut alors aller les inviter le plus tôt possible. Et si on a fait un peu de résultats, ils acceptent davantage de faire avec nous. C'est en se frottant aux meilleurs mondiaux qu'on progresse.

Le judoka Daïkii Bouba

Je ne vise pas forcément que ma catégorie de poids. Je la privilégie pour avoir les habitudes physiques de quelqu'un qui fait le même poids que moi, mais il y a aussi des gens très forts dans d'autres catégories... Moi, je suis en -66kg et je peux faire avec des -60kg ou -73kg, ce n'est pas grave.

Dans tout ça, il ne faut pas perdre de vue les thèmes de travail qu'on a. Travailler avec un thème, que ce soit à l'INSEP ou sur des stages comme ça, c'est important. C'est ce qui permet de progresser tout au long de notre carrière, sur chaque entrainement.

Garder son thème de travail

Parfois le thème, c'est de préparer son spécial et se retrouver le plus possible dans la situation où on peut mettre son spécial. D'autres fois, c'est justement de développer son judo en dehors de son spécial parce qu'il faut pas qu'on soit trop concentré sur la même chose, le même schéma non plus. Il faut alors développer les secteurs sur lesquels on n'est pas habitué à travailler. Ça dépend donc du thème de travail. C'est vraiment important d'avoir un thème et le répéter car c'est qu'en répétant plusieurs fois qu'on peut voir si ça marche ou pas. Si on échoue dès le début et qu'on abandonne, on ne verra pas que c'est peut-être un thème qui, au bout de plusieurs répétitions, marche. Il faut donc ne pas arrêter, le travailler et au bout d'une certaine période de travail, on peut dire si c'est un bon thème de travail ou pas !

MAXIME MERLIN : COMMENT TRAVAILLER UN THÈME ?

LE JUDO, CE N'EST PAS QUE LA BAGARRE.

Quand on parle de thèmes de travail, il faut comprendre quelque chose : Le judo, c'est un sport de combat mais ce n'est pas que la bagarre. Daïkii a dit au moins 10 fois le mot "travail". C'est important de comprendre que pour progresser, il faut avoir des thèmes à travailler et ce n'est pas forcément à nous, athlètes, de décider ceux à mettre en place. C'est justement au coach de le faire. Comme la plupart des judokas ont dû s'en rendre rendre compte, qu'ils aient combattu en compétition ou non, c'est très difficile de visualiser comment on combat, comment on travaille, de l'intérieur. C'est là que l'entraineur va avoir sa part. 

Avoir un regard extérieur

Notre entraineur, Alexandre Borderieux, va tout le temps nous définir des thèmes de travail et ensuite, on va se les approprier, c'est à dire les intégrer à nos sensations. C'est important. Si par exemple, le thème c'est de mettre du débit et attaquer beaucoup et qu'on s'y plie en se disant "ok, je respecte mon thème mais je n'y crois pas, je fais ce qu'on me demande", ça ne fonctionnera pas. Il faut se l'approprier et l'adapter à ce qu'on sait déjà faire pour que ce soit efficace.

Travailler son thème à tous les niveaux

Le judoka Maxime Merlin

Le thème, c'est pour tout. Il peut même être adapté à la préparation physique... C'est possible. Par exemple, je parlais du thème de mettre du débit et faire beaucoup d'attaques. C'est vrai que maintenant, le judo c'est très stratégique, il y a beaucoup de shido. Si le système est celui-là, il va falloir alors mettre du rythme en permanence, dans tout l'entrainement, pour s'habituer à cet effort-là parce que quelqu'un qui n'a pas l'habitude de le faire, au bout de 2 minutes, il va être explosé. Et au bout de 2 entrainements, c'est cuit, il ne pourra pas travailler pour que ça s'imprègne dans sa façon de combattre. 

Conclusion : le thème se travaille en préparation physique, sur le tapis au club quand on est chacun de notre côté et qu'on travaille techniquement... Et ensuite, ça va se travailler en opposition de plus en plus élevée jusqu'en randori sur ce genre de tapis de niveau mondial.

D'une séance à une saison

Le thème peut durer d'une séance à une saison. Si c'est pour corriger un détail, ça peut prendre très peu de temps et on peut se l'approprier très rapidement. Si c'est une façon de combattre en général, c'est quelque chose qui va mettre énormément de temps à s'imprégner. On le voit à l'école japonaise : ils font énormément de randoris, de volume dans les séances et ils ont des postures "de Japonais" : ils sont droits et forts sur les mains. Ça, c'est des choses qui s'inscrivent vraiment dans le temps.

LUKA Mkheidze : COMMENT ACQUÉRIR LA VITESSE SUR LES MAINS ET LES ATTAQUES ?

Le judoka Luka Mkheidze

Ça a toujours été mon judo que d'être tout le temps premier sur les mains, ne pas laisser respirer mon adversaire en face, être toujours dynamique, premier sur l'attaque. C'est quelque chose que je fais depuis tout petit en fait... Du coup,  j'avais des phases où, en essayant d'être tout le temps premier, ça manquait un peu de qualité sur mes attaques. Aujourd'hui, j'essaye d'attaquer peut-être un peu moins mais j'essaye de mettre plus de qualité. J'ai donc toujours eu ça mais j'essaye de progresser, d'améliorer mon judo pour avoir plus de qualité. 

De toute façon, on peut toujours améliorer notre schéma tactique, nos techniques de judo. Je ne reste pas sur mes acquis, j'essaye tout de le temps de progresser. À chaque fois, je prends mes matches justement pour voir les erreurs que j'ai pu commettre et mettre les exercices et les thèmes de travail que je peux effectivement faire lors de mes séances de randori.
Par exemple, il y a des exercices en face à face où on peut faire les relais sur le judogi pour travailler justement la rapidité. On pose le plus rapidement les mains sur le judogi et le but est de bien poser son kumikata.

LÉA FONTAINE : QUEL SCHÉMA FACE À DES ADVERSAIRES DIFFÉRENTES ?

La judoka Lea Fontaine

À chaque fille, j'adapte un schéma différent et ça me permet de trouver la solution pour la faire tomber, ou peut-être gérer au shido ou essayer autre chose, au sol par exemple. C'est des schémas qu'on met en place à l'entrainement. Aujourd'hui par exemple, j'avais un thème assez particulier. Moi qui suis une grande fan de venir chercher au revers, j'avais pour thème de venir à la manche aujourd'hui. Thème assez réussi sur la séance on va dire.

Je sais très bien que les filles m'attendent parce que je vais mettre ma main au revers pour tracter et monter donc là, c'est démarrer manche et tracter le bras et monter...

FAIZA MOKDAR : COMMENT FAIRE FACE À SON TABLEAU

La judoka Faiza Mokdar

En fait, je ne regarde même pas mon tableau ! Je regarde, la veille, qui je prends au 1er combat et ensuite, je me concentre sur ce combat. Le jour même, je prends combat par combat mais je ne regarde jamais le tableau entièrement. En fait, on ne sait pas qui on va prendre donc ça ne sert à rien de s'imaginer prendre quelqu'un, faire ci, faire ça, avoir en fait quelqu'un d'autre... Je préfère savoir qui je prends, de façon sûre, au prochain combat et dessus, faire de l'imagerie mentale. Je m'imagine en train de combattre contre cette personne et lui mettre la technique que je dois lui mettre. J'imagine ça plusieurs fois dans ma tête et c'est comme ça que je fais avec toutes mes adversaires.

MADELEINE MALONGA : DES EXERCICES QUI FONT PASSER UN CAP ?

Par rapport à ce qui a pu me faire passer un cap, j'aurais deux conseils.

Le premier, c'est de faire du travail à thème, entre les uchikomis et les moments des randoris. Par exemple sur le kumikata avec droitiers, gauchers... Ou faire des uchikomis et nagekomis en enchainant sur liaisons debout sol, c'est super important.

La judoka Madeleine Malonga

Le deuxième, c'est faire des uchikomis à 3. On fait un uchikomi sur quelqu'un tenu par le troisième pour faire un peu de poids. On va ressentir la dureté comme quand on est en combat où parfois c'est très difficile de mettre la puissance dans le nagekomi. Au début, on va être lent, forcément, parce que ça fait un peu bizarre un uchikomi soulevé... D'ailleurs, ce ne sont pas forcément des nagekomi mais des uchikomi soulevés, ça c'est important pour bien ressentir le poids de son partenaire et mettre de la puissance. Plus on va s'améliorer, plus on gagnera en efficacité, en force et en vitesse.

MARGAUX PINOT : Un exercice recommandé pour progresser ?

La judoka Margaux Pinot

Je vais choisir un exercice sur la fermeture des seoi vu que c'est mon spécial : je conseillerais le travail à 3 où l'un est derrière pour tenir la ceinture (ou qui se met assis). Ça permet de travailler à la fois la fermeture et à la fois sentir une grosse résistance. C'est quelque chose qu'on ne fait pas assez, même à très haut niveau, mais qui permet de régler des petits soucis et ça peut vraiment apporter. Pour cet exercice à trois, je fais comme un uchikomi normal, à genoux, avec une grosse vitesse et le partenaire derrière celui qui est au milieu. Je me jette à genoux, je sers bien mes abdos. En général, on fait 3 tours de 5 techniques et à la fin on chute, on fait un dernier nagekomi. Mais c'est à vous de faire à votre sauce.

ALPHA DJALO : LE PLUS IMPORTANT POUR PROGRESSER ?

Le judoka Alpha Djalo

Ce qui est, d'après moi, le plus utile, c'est de faire des uchikomis mais en déplacement, sur des profils droitiers et gauchers. Et avant toute chose, se faire plaisir.

GABIN SUPERVIELLE : À QUEL MOMENT INTÉGRER UN DÉBRIEFING ?

On a un premier débrief après la compétition, "à chaud" on va dire... Ou parfois, le lendemain parce qu'à chaud, c'est trop compliqué ! Mais on a ce premier debrief. Et puis sur le stage qui suit directement comme celui-là, on va surtout venir travailler ce qu'on a vu avant. S'il y a un thème de travail qui est là depuis plusieurs mois, on le garde. Ce qu'on a vu et analysé sur la compétition, on le reprendra plus tard et on le mettra en place sur des stages suivants pour d'autres compétitions après.

Le judoka Gabin Supervielle

Par exemple, pour moi, c'est le travail à deux mains mon thème du moment donc ça va aussi être mon thème sur ce stage. Je fais souvent judo à une main, avec ma main gauche au revers et je néglige d'être à deux mains. C'est donc ce que je dois travailler. Sur une opposition qui est très forte comme ici, ça me permet d'avoir des repères. Je tombe beaucoup parce que c'est compliqué, je n'ai pas l'habitude de le faire mais ça me permet de progresser.

WALIDE KHYAR : COMMENT ABORDER UNE COMPÉTITION EN TANT QU' "ÉTAPE DE TRAVAIL" ?

C'est une question d'approche mentale

Le Paris Grand Slam, c'est plutôt une étape de travail. Ça fait partie de la préparation mentale ; se préparer dans la tête en se disant que c'est une étape super importante mais qu'il ne faut pas perdre de vue le vrai objectif que sont les Jeux Olympiques. C'est sûr que c'était le dernier entraînement, la dernière vraie compétition avant les JO à Paris. C'est une vraie préparation, ce n'est pas évident à expliquer... Parfois, on a envie de tout gagner - c'est possible aussi, il y en a qui le font - mais il ne faut pas perdre de vue son vrai objectif et ne pas arriver usé sur le  vrai objectif.

Tester des choses sur les compétitions intermédiaires

Il s'agit continuer de progresser, continuer d'avancer, en mettant des choses en place. Pourquoi pas tester de nouvelles choses, c'est le moment, pour ne pas les tester  aux Jeux Olympiques. Ça peut être sur un droitier, un gaucher ... certains types de profils... Parfois, il faut les aborder différemment : certains schémas tactiques, par exemple se déplacer de ce côté-là ou de l'autre côté, peut-être la jouer un peu plus tactique, prendre moins de risques ou à l'inverse, prendre des risques, ça dépend... Tout est possible selon le profil, selon l'adversaire qu'on va prendre. Mais garder en tête que c'est une préparation et même si c'est super important, il faut garder cette compétition comme une préparation. Pour d'autres personnes, c'est un objectif mais pour nous, c'est un objectif aussi mais un objectif intermédiaire qui passe, c'est dans la continuité mais le vrai objectif, ça reste les Jeux Olympiques.

Adapter sa préparation

Pour Paris Grand Slam, j'ai fait une vraie préparation, comme pour toute compétition … mais un peu différemment parce que j'ai combattu la semaine juste avant sur un grand prix et on a fait aussi pas mal de stages avant. Je ne ferais pas ça avant les Jeux Olympiques. Je me préparerai différemment, je ne ferai pas une compétition avant, je n'irai pas en stage à l'étranger avant, je resterai en France à m'entraîner avec les personnes avec lesquelles j'ai l'habitude de m’entraîner. 

C'est sûr qu'on va voir les choses différemment. J'ai pris les compétitions comme des entraînements, même si, bien sûr, je suis à100% de mes capacités, j'essaie de faire le meilleur.

S'autoriser à modifier le planning prévu

Pour le planning, c'est programmé mais il y a aussi de la place pour le feeling. C'est un peu des deux. Il y a  un calendrier, on sait que telle compétition est à ce moment-là, tel stage est organisé à ce moment-là mais vu qu'on a la chance de pouvoir être qualifié aussi tôt, on peut gérer notre planning. Si jamais il y a une compétition où je suis inscrit mais que je ne me sens pas de la faire, je peux me retirer. À l'inverse, si je sens que cette compétition j'aimerais la faire, je la fais. Par exemple, il y a Bakou dans 2 semaines : j'avais prévu de la faire mais aujourd'hui je me retire. Et un tournoi dans 3 semaines/1 mois où je ne suis pas prévu, c'est possible que j'y aille. Il y a un planning type, une vraie organisation mais sur certaines compétitions, on peut changer en cours de route, on peut se retirer ou se mettre. On a la chance de pouvoir être sélectionné assez tôt donc on peut gérer notre planning un peu différemment mais les grosses dates, elles, sont prévues et elles ne bougeront pas. 

AURÉLIEN DIESSE : POURQUOI, COMMENT TRAVAILLER AVEC DES PLUS LOURDS ? 

J'aime bien faire avec les lourds. Depuis que je suis petit, je travaille avec eux. Je suis du club de l'AS Bondy Judo et il y a beaucoup de lourds dans ce club alors on faisait souvent avec eux. Ça m'amuse parce que souvent, je ramène beaucoup de mobilité et ils aiment pas forcément le randori beaucoup plus que moi ! Ça me permet de travailler différemment.

Je suis souvent plus rapide qu'eux au niveau du kumikata donc ça me permet de répéter en automatismes sur les mains et après, d'utiliser le déplacement pour l'empêcher d'attaquer. Un lourd, c'est dangereux seulement quand il attaque quelque part... C'est à dire que si on vient le déplacer et qu'il n'est pas sur ses appuis pour pouvoir attaquer, ce n'est pas forcément très dangereux donc il ne peut pas forcément me faire tomber.

Le judoka Aurélien Diesse

Ça me permet aussi de travailler le déplacement et le kumikata. Après, oui il y a des techniques que j'évite car je sais que j'ai plus à y perdre physiquement. Mais globalement, j'essaye d'être concentré et plus rapide que lui sur les mains et d'utiliser beaucoup le déplacement. Je reste sur des ashiwaza sans trop aller me mettre sur des positions où avec son poids, il pourrait me mettre en porte-à-faux sur les articulations.

Conclusion, ça permet de travailler le cardio, les déplacements, les ashi waza.. et le kumikata ! On peut, en plus de ça, s'amuser sur des thèmes techniques bien choisis pour aller attaquer bien fort et là, ça va nous obliger à être très explosif parce que forcément, s'il n'y a pas assez de force, il ne bougera pas.

Au final, je ne donne jamais de contrainte aux lourds, je leur demande même de faire le randori à fond, ne pas attendre, et je prends beaucoup de plaisir à le faire. Depuis que je suis en -81, je fais avec Teddy par exemple, à l'INSEP, et jusqu'à l'heure d'aujourd'hui, c'est pour moi un plaisir de le faire. Ça nous apporte beaucoup à tous. Entraide et prospérité mutuelle !

ON RÉSUME ? QUOI TRAVAILLER ?

Voilà ce que je retiens à mettre en application assez facilement dans mes cours de judo :

1- réfléchir à un thème de travail 

...précis ! Idéalement avec le professeur, comme le dit Maxime. Mais même si on n’a pas la possibilité d’avoir un regard extérieur qui nous suit dans le temps, je pense que déjà, se fixer un thème de travail et s’y tenir pendant un moment,  c'est une bonne étape. Je l’ai toujours dit, c’est avoir une "intention de travail" et ne pas travailler en général, dans le vide….


2- travailler la phase technique 

Nous avons bien souvent un moment technique dans nos cours : profitons-en avec conviction, application et même redoublement d’effort pour avoir une aussi belle base technique qu’Alexis Mathieu ! Il le dit : c’est vraiment une force… et le kumikata, la préparation physique, c’est toujours quelque chose qui pourra se faire ensuite… D'ailleurs, Nikki, dans son interview, explique même très bien pourquoi la force peut freiner voire bloquer l'apprentissage technique. Pour le kumikata, je précise qu'Alexis devait certainement parler des batailles de kumikata pour la compétition. Car n'oublions pas ce que dit Jean Pourchet (interview ici) : on peut travailler le kumikata dès tout petit lorsqu'il s'agit d'apprendre à "poser son poids", "s'appuyer sur le partenaire" (on est loin du "faire lâcher", etc.).


3- Adapter ses uchikomis

En fonction de son thème du coup :

- m’appliquer à mettre du déplacement

dès que c’est possible. Même si ce n’est pas une consigne du professeur que du mettre du déplacement, on peut l'ajouter soi-même (surtout s’il ne compte pas trop vite !).
 

- Demander à mon partenaire de se mettre en droitier et en gaucher

ce qu'on fait trop peu... Et en tant que gauchère, je l'ai toujours dit : le plus important, pour être complet, n'est pas de montrer une technique à gauche (on peut très facilement transcrire ce qui est montré à droite) mais bien de montrer la technique en garde opposée ! 

- faire des uchikomi de kumikata

Avec un relais ou une saisie en particulier, pour gagner en précision et vitesse.

3- COMPLÉTER SES nagekomi 

(possible aussi en randori quand le professeur le permet) : m’appliquer vraiment à travailler la liaison debout-sol ! Là encore, ne pas oublier de s'imposer un thème pour devenir spécialiste d'une première liaison debout-sol, puis d'une deuxième etc.


4- DEVERSIFIER SES randori

- Aller chercher plus fort que soi

S’organiser des périodes où on va aller vraiment chercher des beaucoup plus forts que soi, même si, du coup, on chute beaucoup. C'est ce qui fait progresser ! Après, c'est bien de cibler des périodes et ne pas faire que ça. Comme expliqué dans plusieurs articles précédents, aller faire randori avec des beaucoup moins forts permet un tout autre travail qui fait aussi progresser. Ça tombe bien : on est forcément le "plus fort" ou le "moins fort" de quelqu'un ... Donc conclusion : faire avec les deux permet à tout le monde de travailler, c'est magique 😄

- Aller chercher plus LOURD que soi

On retrouve la même logique avec le fait d'aller faire des randori avec des plus lourds que soi. Excellent également pour progresser : travail de kumikata et de déplacement, quitte à rester sur des ashi waza et éviter les techniques où on pourrait se blesser…  C’est vraiment aussi un plaisir que de partager des randoris avec des gabarits très différents. C’est exactement ce que disait Anne-Fatoumata M’Bairo dans son interview : elle fait avec des plus légers pour travailler différemment et elle a remarqué que c’était la force des Japonais, justement, que de travailler avec tous les gabarits… Pour ceux qui ont suivi mon journal quotidien du Kangeiko de ce mois de janvier 2024 à Tokyo, c’est l’une des leçons fortes que j’ai retenue. La progression, le plaisir et l’état d’esprit est vraiment génial quand on mélange les gabarits dans les randoris et que tout le monde joue le jeu…

5- S'organiser des temps personnels

À chacun de créer l’opportunité pour ça :
- faire des sessions d’uchikomi à 3.
- chercher, essayer des choses en sensations... Car "le judo ce n'est pas que la bagarre" ! Mais sur ce point, vous allez pouvoir entendre Kilian Leblouch (qui entraine Shirine Boukli entre autre) dès la semaine prochaine en interview.


6- En compétition

Pour tous les stresser des tableaux : l'une des solutions est de ne pas regarder tout son tableau ! On discute, justement, de ce sujet de "stress face à son tableau" dans le groupe facebook (cliquez ici pour nous rejoindre) si ça vous intéresse !

Enfin, il s'agit d'adapter son schéma d’attaque aux différents adversaires mais attention, ma conclusion des interviews de ces derniers mois, c'est : travailler plusieurs schéma ? oui, mais pas tous en même temps ! Ce serait s’éparpiller. Il s'agit de les travailler un à un… Etape par étape.

Remerciements

Je voudrais remercier tous les judokas que vous avez entendus (ou lus !) d’avoir pris le temps de s’arrêter quelques minutes au micro alors que c’était une journée, pour eux, d’entrainement, de travail et qu’il y avait beaucoup de journalistes qui les sollicitaient… MERCI !
Merci aussi à Benjamin Axus que vous n’allez malheureusement pas pu entendre parce que mon micro était mal branché 😰. Eh oui, je suis encore loin d’être une pro…
Et pour finir, merci à France Judo et plus particulièrement Stéphane, Fanny, Alexia et toute l’équipe de Com’ y compris les bénévoles comme Bruce… parce qu’ils m’ont bien aidée à faire mes premiers pas dans cet univers de la presse au Paris Grand Slam !

Bon travail, bonne progression à tous !

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  • Toi qui était timide de demander des questions 😅😅😅😅😅 tu as fait un excellent travail et c’est un très bon début.
    Il y a des excellents conseils et outils de travail pour la réflexion du notre judo ( c’est le plus important ).

    • eh oui 😅 Tu as vu ça ? Finalement, la journée était super intéressante même si je confirme que je suis vraiment plus à l’aise sur le tatami qu’avec un micro 😅 Merci en tout cas D. de tes encouragements pendant cette aventure 😉 (même si, comme tu l’as vu, je n’ai pas pu poser toutes les questions prévues !)

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