Jean-Pierre Tripet et la philosophie judo

Jean-Pierre Tripet et la philosophie judo

JEAN-PIERRE TRIPET ET LA PHILOSOPHIE JUDO

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1- COMMENT AS-TU DÉCOUVERT LE JUDO ?


Raconte-nous ton premier contact avec un dojo...


J’ai rencontré le judo par hasard. Gamin, j’étais assez turbulent, je ne me laissais pas faire. Et je n’aimais pas voir, dans la cour d’école, les plus grands agresser les plus petits. Je prenais donc souvent en défense les plus faibles mais je me suis aperçu que, dans les bagarres, certains m’offraient plus de résistance que d’autres. Je me suis renseigné et j’ai appris qu’ils faisaient du judo. C’est comme ça que je suis allé voir si je pouvais m’inscrire dans un club. À l’époque c’était difficilement accessible. Il y avait déjà des salles mais c’était assez confidentiel et secret. Le premier contact que j’ai eu était un club qui était dans un patronage catholique. 

Quand j’ai ouvert la porte qui allait vers le dojo dont j’ignorais le nom, ça a été comme dans un film. Il faisait beau et, la salle étant très sombre, un rayon de lumière est apparu sur le tatami lorsque j’ai ouvert la porte… Comme une révélation ! Ça m’a tellement impressionné que j’ai refermé la porte et je suis parti !


Qui a été ton premier maître ?

Eugène Crespin le judoka qui dessine

Par la suite, un ami m’a emmené dans un autre club, dirigé par Eugène Crespin* qui était en équipe de France. J’avais 16 ans et ce maître m’a fait découvrir le judo dans une petite salle à l’ancienne. Il m’a appris que le judo pouvait m’amener des qualités défensives ainsi que des qualités physiques supérieures, ce qui me plaisait car je jouais au football à cette époque-là. Mais ce qui est extraordinaire dans le judo, c’est que ça agit sur la personne sans qu’elle s’en rende compte. 

Et le judo a agit sur moi, d’abord pour façonner l’athlète puisque dès le début, je voulais faire de la compétition. En fait, très rapidement, ceinture blanche, je faisais tomber les ceintures noires du club. Mon professeur m’avait donc repéré et m’avait envoyé, dès la ceinture verte, aux entraînements des équipes de France. On m’avait permis d’y accéder grâce à Henri Courtine et Bernard Pariset, qui m’avaient repéré à l’époque. J’ai donc eu une progression très rapide.


Quelles valeurs le judo t'a-t-il transmises ?


Je suis issu d’une famille modeste, ouvrière. Je n’avais pas beaucoup d’argent. Le judo n’était pas très cher mais ça représentait tout de même une certaine somme. Mon professeur a tout de suite vu que je n’avais pas les moyens et il ne m’a donc pas fait payer la cotisation au club. Il m’a également tout de suite mis avec un groupe d’adultes qui suivaient les compétitions des équipes de France. C’était des gens qui avaient des situations confortables. Et ils m’ont pris avec eux sans me faire participer financièrement, ni aux hôtels ni aux déplacements par exemple, nécessaires pour aller voir les équipes de France. Donc, tout de suite, cette notion par l’exemple de l’entraide, je l’ai comprise dans le judo. Une fois que je suis entré, à 18 ans, en équipe de France, tout a été pris en charge par la fédération. Là, mon développement a été celui d’un compétiteur normal. 


Comment es-tu passé de la compétition à la philosophie ?


On me demande souvent comment je suis passé du judo compétition au "judo réflexion", à son aspect philosophique. Pour moi, il n’y a pas de passage. C’est la même chose. Lorsqu’on fait la dichotomie du judo, c’est là que ça devient dangereux car le judo, c’est un tout.

Mon professeur me donnait des lectures, par exemple, celle de Lucien Jazarin. À l’époque, ça m’impressionnait beaucoup, ça me faisait rêver, c’était romantique, mythique ! Il y avait du mystère. Et dans le judo, j’ai toujours voulu apprendre le mystère, le secret. 

J’apprenais aussi les clés de bras, de cou, de jambes, les kiatsu* c’est à dire les réanimations. Je devais les démontrer, dans les examens de ceinture, à mon professeur qui les enseignait toujours. J’ai d’ailleurs toujours appris le judo par les 3 méthodes : la méthode Kodokan, la française, celle de Kawashi… J’ai donc été imprégné par l’encadrement et la méthode que mon professeur mettait en place dans le club.


Comment as-tu progressé ?

Jean-Pierre Tripet au tournoi de Paris

Je me souviens que mon professeur m’a fait travailler Sasae tsuri gomi ashi, une technique très difficile à pratiquer. Mais il disait que de travailler les techniques que l’on fait rarement en compétition, difficiles, permet de développer les autres techniques. Travailler ce qu’on voit rarement en application perfectionne ce qu’on met en application régulièrement. La sensibilité de ce qu’on développe s’acquiert par la difficulté à exécuter le mouvement. Là, on entre dans une partie de l’esthétique. En fait, pour comprendre un mouvement difficile à pratiquer, tu es obligé de prendre toutes les étapes qui t’amènent à faire ce mouvement. Ces étapes existent aussi dans les mouvements plus faciles mais comme tu le fais naturellement, tu n’as pas la même réflexion, la même approche, la même recherche. Ce que ton corps fait naturellement parce qu’il s’adapte bien, il ne sait pas forcément le faire sur une technique que tu appréhendes moins bien.   


2- PEUT-ON FAIRE UN LIEN ENTRE LA COMPÉTITION ET LA PHILOSOPHIE JUDO ?


On dit que le judo apprend la modestie, pourquoi ?


Comment passer d’un judo où on me demande de faire tomber l’autre à la philosophie judo ?
Moi, je veux faire tomber l’autre par la pratique du randori, du shiaï*, de la compétition. Aussi par l’ego, l’envie d’être champion, d’être le plus grand, le plus fort, le plus magnifique, le plus adulé… Mais à ce moment, le judo t’apprend une forme de modestie. Parce que tout de suite, je suis champion de France et le lendemain, quand je remets en jeu ma couronne de champion de France, je peux la perdre.
Quelques personnages extraordinaires, tels que Jean-Luc Rougé, David Douillet, Teddy Riner bien sûr, sont de grands champions d’exception qui savent garder leur couronne de jour en jour… Mais même eux, à un moment, vont perdre quand même. Tu apprends donc, avec ton expérience de judoka, que champion d'un jour peut faire le malheureux du lendemain. C’est d’ailleurs quelque chose qui m’avait été enseigné par ma pratique au club.


Fréquentais-tu encore ton club, même en équipe de France ?


Quand on est membre de l’équipe de France, il faut continuer à pratiquer dans son club, garder le contact avec le "dojo ordinaire", celui qui t’a fait naître. Lorsque tu y reviens, tu rencontres des judokas anonymes qui te posent des problèmes énormes lors d’un randori. Par exemple, dans mon club, j’avais un ami judoka que j’avais du mal à faire tomber. Contrairement à beaucoup, il me mettait des points et il n'y en a pas beaucoup qui, à l’époque, pouvait me faire chuter lors d’un randori quand je ne voulais pas m’y prêter. Ce judoka, anonyme, lui, me faisait tomber. Pourtant, en compétition il ne passait pas un tour ! Mais il avait un judo extraordinaire… Et dans le club, il faisait aussi tomber les gars de l’équipe de France qui venaient avec moi. On peut dire qu’il était champion du monde à l’entraînement mais à la compétition, il perdait ses moyens et il ne passait pas un tour.

Jean-Pierre Tripet fait morote

La compétition est un phénomène particulier. 

C’est un instant, très éphémère. C’est un instant où il y a une transcendance qu’on a, à l’intérieur de soi, et il y a un caractère à forger. C’est un état d’esprit qu’il faut construire : celui d’aller chercher la victoire quoi qu’il arrive, à son propre détriment. C’est la notion de sacrifice du corps. On a ce sacrifice avec la dureté de l’entraînement qui nous amène au dépassement. C’est dans la tête, le mental, ce qu’il faut forger. Un champion qui n’a pas de mental ne fera pas un bon compétiteur même s’il a un beau judo. Ça ne veut pas dire qu’il n’est pas judoka, toute la nuance est là bien sûr ! 


Que penses-tu du toutes catégories ?


Un judoka m’a dit un jour : « j’ai beaucoup de respect pour toi car tu étais un judoka qui n’avait peur de rien ». Effectivement, même si c’était peut-être au détriment de ma carrière, j’ai toujours voulu combattre en toutes catégories. À 80 kg, je voulais rencontrer des adversaires plus lourds et c’est comme ça que j’ai battu, lors de la coupe Kano au Japon, Peter Adelaar, champion d’Europe toutes catégories. J’ai également fait second aux championnats de France toutes catégories, battu en final par Rougé. Je l’avais battu en tableau mais à l’époque, on « croisait » et il m’a donc battu en finale.

J’étais ainsi imprégné des toutes catégories. Même si je pense qu’il faut respecter l’expression des plus légers et c’est normal, somme toute, que les catégories aient été créées. Mais tous les copains de l’équipe de France tels que Serges Feist, Patrick Vial, Jean-Jacques Mounier pour ne citer qu’eux, combattaient en toutes catégories ! Ils avaient cet esprit.

Aujourd’hui, si le toutes catégories existait encore, très peu répondraient à cet appel. 

Alors qu’au Japon, il est encore très valorisé, ça reste la compétition reine. Et comme pour moi, le judo passe par cette obligation d’aller se dépasser, le toutes catégories est la compétition qui amène à ça.

C’est pour ça que, lorsque j’étais président du comité de Paris, j’avais voulu maintenir la coupe Awazu, Paris-Kyoto, qui était toutes catégories. Je l’ai gagnée à une époque, ce qui m’a valu un mois de stage gratuit au Japon. C’est comme ça que j’ai été révélé au public et aux entraîneurs de l’époque.


Mais comment gagne-t-on, en toutes catégories ?


Bien sûr à technique égale, la différence se fait par la force physique et la différence de poids va jouer, à condition qu’il soit bien utilisé et que toutes les cases soient bien remplies. Puissance, force, technique, vitesse, vivacité… Tout ! C’est le cas de Teddy Riner. 

Il y a aussi le mental ! C’est souvent ce qui va faire venir jouer la bascule nécessaire. C’est là l’interprétation du judo et c’est la différence dans toutes les disciplines sportives. Le judo est d’ailleurs plus qu’une discipline sportive.

Préparation physique pour les judokas

À mon époque, la préparation mentale était naissante. 

Elle n’était pas pratiquée dans les équipes de France à ma connaissance. On était plutôt à l’aube de la préparation physique. Les anciens faisaient beaucoup de footing et nous, nous avons commencé la musculation classique, de base, avec des préparateurs physiques. Mais pour le mental, on se le forgeait nous-mêmes en fait !



3- COACH, ENTRAINEUR, PROFESSEURS... QUELLE CASQUETTE PRÉFÉRAIS-TU ?


As-tu été coach ? Que faut-il pour être coach ?

Il faut savoir aussi que la fonction de coach n’était pas vulgarisée comme aujourd’hui. Moi, mon coach était Jean-Luc Rougé ; on se coachait entre nous finalement. Mon professeur aussi coachait, au bord du tapis, pour donner le temps ou quelques indications… Mais ça n’avait pas l’importance que ça a aujourd’hui.

D’ailleurs, je pense qu’on est passé d'un extrême à l’autre. Je crois que le coach a pris une grosse place dans la tête des athlètes alors que ce n’est pas le coach qui parle le plus qui est le meilleur. 

Le coach, c’est celui qui sait regarder son athlète au moment où c’est possible, dans un combat, et qui, par quelques mots, par les yeux et par son attitude, sait lui transmettre la confiance qu’il attend. 

On ne peut pas faire un cours de judo en 10 secondes. On ne peut pas changer le judo de quelqu’un juste avant un combat, c’est impossible. Je ne crois pas à ce remède miracle sur l’instant de la compétition. 

Par contre, on peut attirer son attention sur une faiblesse qu’il accentue par exemple. Le conforter dans ce qui peut aller chercher, bien le connaître, l’amener jusqu’au bord du tatami… Et par un regard, quelques mots-codes qu’ils ont entre eux, rassurer que le tableau de marche du combat est bien tenu. Après, on peut dire de baisser sa garde, être plus bas, faire attention mais pour moi, ça se fait rarement. C’est surtout la prestance du coach qui est transmise à l’athlète qui, lui, connaît bien son coach. La compréhension se fait comme ça. 

L’intérêt d’un coach est également d’avoir de la mémoire et de connaître les adversaires potentiels de son athlète. 

Ce fut le cas de tous les athlètes de l’équipe de France de mon époque. La mémoire de Patrick Vial ou Serge Fest que j’ai connus en équipe de France puis comme entraîneurs. Ils avaient une mémoire phénoménale des adversaires que l’on rencontrait ! La revue de presse des combattants se faisait très rapidement, avant la compétition, avant un combat, parfois quelques instants ou quelques minutes avant, peu importe.

Comme on dit, « l’instant se fait toujours avant ». C’est une belle métaphore du judo. Et « l’instant se comprend après ». Logique puisqu’on va analyser l’instant pour le futur.


Pour toi, il y a donc une différence entre coach et professeur ?


Les coachs et les professeurs sont des mondes opposés. On peut avoir, dans une personne, plusieurs spécialités. On peut être un bon coach sans forcément être un bon enseignant. Mais c’est difficile… Comment être pédagogue avec un athlète et ne pas l’être avec monsieur tout le monde ? Même s’il y a une différence ! L’approche du judo n’est pas tout à fait la même mais dans l’ensemble, c’est du judo. Normalement, un professeur de judo doit connaître tous les aspects… À mon époque, on était professeur et celui qui suivait son athlète était naturellement coach. Ce mot est venu notamment par la réglementation internationale. Mais est-ce qu’on peut être un très bon entraîneur des équipes de France et un très bon professeur ? Ce n’est pas sûr ! 


Tu parles souvent de transmission...


Le judo est une histoire de transmission. Un judoka qui reçoit l’enseignement doit avoir normalement les capacités de la transmission car c’est la nature même du judo. On t’apprend à devenir un transmetteur. Si tu ne l’es pas, tu n’es ni coach, ni entraîneur, ni professeur, ni judoka. Tu es une machine qui a appris le judo. Tu sais bien répéter mais tu ne sais pas l’exprimer et donc, tu ne sais pas le transmettre. Et là, tu n’es plus un judoka. Tu es un mime.

Toute la valeur du judo repose sur la transmission. 

Quand je suis athlète, je prépare mes techniques, mon entraîneur est un transmetteur : il va corriger. Il va corriger sur ce qu’il a appris, lui, sur ce qu’il a réfléchi par rapport à mon corps par rapport à mes défauts, à mon sens de la compréhension. Il va me forger dans ses corrections pour que j’optimise ma technique. Il n’y a pas de secrets. Je ne peux pas rester sur ce qu’on apprend de façon basique dans le judo, comme dans le kata. Je ne vais pas faire une technique pure, sinon, je n’ai pas besoin de professeur ! Cela dit, il y a eu quelques très grands champions, comme Okano, qui avaient des techniques très pures. Pour eux, la correction n’intervient pas parce que le mouvement est parfait. Sinon, il faut que le coach corrige la technique et donne du sens au mouvement. Ce n’est plus la technique dans sa base, ce ne sont pas les katas.


Que penses-tu des katas ?


Les katas permettent de transmettre de génération en génération. Quand j’étais compétiteur, je n’appréciais pas particulièrement l’exercice ! Mais j’ai passé tous les katas pour mes grades qu’on ne m’a jamais donnés gracieusement. Le kata garde les origines. Et le professeur, en prenant les origines des techniques, doit avoir une variabilité complète sur la gamme du judo qu’il pratique lui-même.


Finalement, le professeur doit-il transmettre la base ou préparer à la compétition ?


Un vrai professeur doit avoir toutes les spécialités qui lui sont offertes. Par contre, il peut affectionner l’une ou l’autre. Ce n’est pas pareil d’entraîner une équipe de France et former une ceinture blanche à aller jusqu’à la ceinture noire. Avec l’équipe de France, on reçoit des gens déjà formés, ils ont déjà une maturité judo. Le but est de les amener à se transcender. Dans ce cas, le rôle du professeur n’est donc pas tout à fait le même, même s’il va apporter des techniques issues de son expérience, de ce qu’il a vécu.

En fait, ce qu’on demande à un entraîneur, c’est de faire vivre à celui qu’il entraîne ce qu’il a vécu et ce qu’on lui a fait vivre avant. Et si possible le positif. La réussite n’est pas toujours au rendez-vous mais c’est ça qu’il va transmettre. C’est tout son savoir, son approche, tout le capital qu’il a emmagasiné dans un bloc. Il va le transmettre pour que son athlète aille plus vite dans son absorption. Mais cela, parce que l’athlète est apte, justement, à incuber tout ça rapidement. Si je vais sur le tatami d’un club lambda, alors prendre une ceinture blanche et l’emmener à la ceinture noire, ce n’est pas pareil.


Et toi, préférais-tu transmettre les bases ou former à la compétition ?


Au Japon, ils mettent leurs meilleurs professeurs pour les débutants. En France, on fait souvent le contraire, dans toutes les matières. On fait souvent cette erreur de penser que le meilleur de la spécialité doit être réservé à ceux qui sont déjà dans le haut niveau. Alors qu’en fait, c’est la formation à la base qui doit être faite par les meilleurs.

Couverture de Judo magazine avec Jean-Pierre Tripet champion de France

Pendant plusieurs années, j’ai cumulé les fonctions. J’étais directeur sportif à l’ACBB. Je devais aussi faire ma carrière sportive. Je dirigeais une grande équipe puisqu’avec Jean-Luc Rougé, Gérard Gautier et d’autres, on était champions de France par équipe à ce moment-là. Eh bien, je devais aussi faire l’enseignement des ceintures blanches, avec les cours classiques. J’ai la fierté d’avoir amené 5 ou 6 de mes élèves en équipe de France juniors et même à devenir dirigeants par la suite. Et j’ai cette fierté de les avoir pris ceinture blanche et les avoir amenés ceinture noire. Pour moi, ça c’est beau. Je suis peut être plus fier de ça que de ma carrière sportive.


4- COMMENT LE JUDO A-T-IL MARQUÉ TA VIE ?


Raconte-nous comment tu as eu envie de devenir professeur...


Dès que j’ai été ceinture noire, j’ai voulu donner et être professeur. Porter la ceinture noire, c’était une fierté énorme. Ça avait une résonance assez forte dans le public à ce moment-là. Est-ce pour cela que j’ai voulu diriger des cours ?

J’ai cherché un endroit dans la ville où j’habitais. J’ai trouvé une maison de jeunes. Le directeur m’a dit que si j’apportais les tatamis et tout ce qu’il faut, il pouvait me donner une salle gratuitement. Il n’avait pas les moyens de m’aider financièrement mais pouvait me mettre une salle à disposition. Dès que j’ai eu cette autorisation, je suis allé voir mon maître, Eugène Crespin* et je lui ai demandé s’il était d’accord pour s’en occuper. Après discussion, on a ouvert le club. Mais à la fin du premier cours, il m’a dit que c’était ma salle et que c’est moi qui allais donner les cours.

J’avais 18 ans, je venais d’entrer en équipe de France. 

Très rapidement, j’ai eu 200 à 300 licenciés. Au début, c’était surtout des enfants puis j’ai ouvert un cours adultes deux fois par semaine… Et je suis très vite monté à 50 adultes. Bien sûr, j’ai demandé des cotisations en me référant à ce qui se faisait partout, en moyenne. J’ai inscrit le club à la fédération et je payais la cotisation à la maison de jeunes. Un jour, j’ai rapporté les cotisations prélevées à mon maître pour lui demander ce que je devais en faire. Il m’a répondu que c’était pour moi. C’est comme ça que j’ai commencé à gagner un peu d’argent. Heureusement d’ailleurs car comme je ne travaillais pas pour ne faire que du judo, cela me faisait un complément.


Et comment es-tu arrivé à l’ACBB* par la suite ?


J’ai commencé à donner des cours un petit peu partout. Je suis allé vers des clubs plus prestigieux, aux propositions financières plus intéressantes aussi. C’est comme ça qu’au fur et à mesure, je suis devenu le directeur sportif de l’ACBB*. Ça a toujours été un très grand club par le nombre et la qualité de ses pratiquants. Quelques membres de l’équipe de France étaient issus de ses rangs bien avant que j’y arrive d’ailleurs. Alors pour améliorer encore la notoriété du club, j’ai fait venir Jean-Luc Rougé, Gérard Gautier, Jean-Pierre Gibert… 

Rapidement, beaucoup de judokas connus sont venus nous rejoindre au club. Il faut croire que j’ai eu la bonne vision puisque l’année où j’ai fait rentrer Jean-Luc Rougé, il est devenu champion du monde ! D’un seul coup, à Boulogne, les objectifs qu’on m’avait donnés étaient atteints. On est devenus une pratique emblématique de la ville. Beaucoup de choses ont pu être mises en route, jusqu’à un père d’élève, peintre, qui a fait la grande fresque sur les murs du dojo principal de Boulogne. C’est une fresque de 20 mètres de long !


Qu'est-ce qui te passionne dans le judo ?


Lorsque j’étais chef d’entreprises, j’avais mes sociétés à Boulogne et souvent, j’allais faire mes courses ou j’allais au restaurant. Parfois, je rencontrais des personnes qui me fixaient et qui se disaient qu’elles devaient me connaître. Je sentais qu’elles avaient envie d’entrer en contact. Alors j’anticipais et je leur disais « judo ? ». Là, ils me disaient « M. Tripet ! »  Et quelques fois « Maître ! ». Et bien ça c’est une grande fierté ! Pas parce que je suis reconnu, même si mon ego est flatté… Mais parce que, même s’ils ne pratiquaient peut-être plus le judo, spontanément, ils me disaient : « Vous savez, ce que vous nous avez appris sur le tatami, le comportement, le code moral… Eh bien moi, le judo, dans ma vie professionnelle, je le fais tous les jours ». Ce sont des dizaines de fois que j’ai entendu ça. Et d’ailleurs, partout dans le monde, quand je rencontre des personnes, même extérieures au judo et qu’ils apprennent que je suis judoka, ils disent la même chose. Je ne suis pas le seul à qui on dit ça, c’est une constante.

Il faut regarder ce qui intéresse les gens qui viennent s'inscrire au judo.

Aujourd’hui le judo est extraordinaire. On a de belles équipes de France et de beaux personnages qui les constituent. On a de grandes structures du judo, variables mais, il faut le reconnaître, qui sont très intéressantes.

Mais attention. Aujourd’hui, un enfant ou un adulte ne vient pas au judo pour être Teddy Riner. Si on interroge les parents ou les adultes pratiquants, ils viennent pour les valeurs enseignées et non la compétition. C’est ça qu’il faut préserver et mettre en avant, avec le support de nos équipes de France puisqu’ils sont l’aspect visible de l’iceberg. Dans l’iceberg, le principal, ce n’est pas ce qui émerge, c’est ce qu’il y a en dessous. En judo, c’est pareil. Ce qui ne se voit pas, c’est le plus important. Comment préserver quelque chose qui ne se voit pas ? Tout est là. Il faut débattre. C’est pour ça qu’il y a le cercle Kano et d’autres associations. J’ai beaucoup de copains professeurs et amis qui défendent cette idée et qui y travaillent !


5- QU'EST-CE QUE L'ESPRIT JUDO ?


Serait-il illusoire de vouloir allier recherche technique et compétition ?


Trouver un équilibre entre la compétition et la technique n’est pas illusoire, c’est nécessaire. Tu ne peux pas pratiquer et arriver à une réflexion sur le judo sans passer par l’épreuve du combat, du shiaï *. On doit tous le pratiquer à un moment donné. C’est ça qui va donner les premières armes de notre éducation, les prémices de la compréhension du judo de Jigoro Kano. 

Rufin, l’académicien, avait dit dans son livre Immortelles randonnées :

Il y a une initiation parce que ça passe par le corps et parce que ça fait mal.. 

Ça passe par le corps, c’est bien mais pour que ça aille à l’esprit, il faut que ça fasse mal. Cynthia Fleury appuie cela dans ses écrits en disant : il y a initiation parce qu’on passe par des moments difficiles. 

Jean-Pierre Tripet, 2nde place au tournoi de Paris 1977

Il y a la notion de dépassement


L’appréhension du shiaï*, face à un partenaire plus fort que soi, va amener des notions de dépassement. Je ne dis pas performance parce que ça, ce serait pour les athlètes de haut niveau.  

La notion de dépassement, c’est vaincre la crainte normale de l’être humain face à l’inconnu. Faire tomber les autres, c’est facile si on est fort. Mais tomber, c’est moins agréable. Même si on sait très bien chuter ! Donc passer par ces étapes, c’est un fondamental pour un judoka. C’est ce qui apprend dès le départ l’humilité : ce qu’on est petit face à celui qui est plus grand que soi. Et il y a toujours plus grand que soi. Il y a toujours des difficultés sur ton chemin même si l’on est très doué. Ça, c’est un enseignement de Kano.

Quels sont, d'après toi, les enseignements de Jigoro Kano ?


Les pratiquants de judo doivent comprendre que Kano a fait du judo une métaphore générale. Pour lui, le « Oo judo », c’est à dire le grand judo, c’est améliorer l’homme et la société. Le judo n’est pas seulement un projet physique. Il ne s’agit pas seulement d’être un très bon pratiquant des techniques du judo. Il faut l’être bien sûr, c’est d’ailleurs comme ça qu’on apprend tout ce qu’il y a autour du judo. Si on lit les traductions de Kano qui nous sont offertes aujourd’hui, avec beaucoup de talent, de Yves Cadot par exemple, on s’aperçoit que le judo, c’est autre chose. 

C’est un moyen de forger sa place dans la cité. Comment l’être va être transcendé par une pratique du judo à devenir un meilleur homme, un bon citoyen dans la cité. Kano dit qu'il faut être humble, savoir apprendre, modeler son corps. 


Il y a la valeur physique :

Jean-Pierre Tripet en train de faire Te guruma en compétition



Le plus souvent, tu commences le judo jeune quand tu es dans la possession de tes moyens. Disons que si tu fais une pratique qui demande au corps d’intervenir, il faut que ce corps soit capable de reproduire, peu importe le niveau. Donc généralement, la première partie du judo consiste logiquement à développer tout ce qui est autour de la technique du judo, comme le randori, le Shiaï*, le Yatsuko Geiko* etc. C’est la valeur physique. 



Il y a la valeur technique :


On va ensuite l’améliorer par la valeur technique, par la pureté de l’élégance du geste, par l’esthétisme. Quelle plus belle école que celle de la voie du judo, qui m’a appris, à moi, l’esthétisme ? Je n’ai pas fait d’études, je suis un autodidacte ! Mais le judo m’a enseigné la valeur de l’esthétisme, de la beauté. Bien sûr, j’ai été fort à un moment mais en vieillissant, moins fort. Je ne peux plus faire ce que je faisais avant, à 30 ans, au moment de ma gloire sportive. Je peux cependant analyser différemment, peut-être mieux que ce que je n’ai fait à un certain moment. Mais j’ai appris la beauté du geste… J’ai surtout appris à l’apprécier, pas forcément à le faire car c’est dur d’être un artiste, même au judo. Regarder les choses et voir qu’elles sont belles. Surtout, voir que, par la pratique du judo, les hommes et les femmes sont beaux. L’être humain est beau par essence, par nature. Et ce qu’il a de meilleur en lui, c’est le "Kokoro", le cœur. 


Il y a la valeur de l’esprit :


C’est ça qu’on vise, en faisant du judo : je dois être un être meilleur. Même si j’ai beaucoup de défauts malheureusement, même si j’ai des coups de colère, si par moment j’ai envie de tout jeter par la fenêtre… Même si je trouve que le monde n’est pas parfait, si je trouve que la pratique du judo n’est pas celle que j’aimerais voir aujourd’hui. Je sais que dans mon quotidien, quand je me lève le matin, ce que j’ai appris par mes qualités du judo, par ma pratique, je le fais tous les jours.

Ce qui me fait plaisir, c’est que je suis judoka dans l’âme. Dans ma pratique professionnelle, j’applique ce que le judo m’a appris. Et Kano a raison : il n’a pas fait le judo pour faire des compétiteurs ! Ce n’était pas son but ni même sa tasse de thé, il faut dire les choses. Il a accepté par la force des pratiques. Mais tous les judokas te diront qu’ils ont été façonnés par le judo. Le judo, c’est quelque chose d’initiatique. 


Qu'est-ce que tu entends par "initiatique" quand tu parles du judo ?


Quand je deviens ceinture noire, je renais à une autre condition. Je suis transformé. Et ce que j’ai reçu, je dois, par essence, le transmettre. Je suis mort à un état en devenant ceinture noire, la couleur symbolique de la terre. Je renais en passant par la terre, comme les rites initiatiques de tribus qui n’existent aujourd’hui que très peu dans le monde. En portant la ceinture noire, je deviens un nouvel homme, une nouvelle femme. Par exemple, on se met à la disposition des autres, c’est naturel. Et sans t’apercevoir, par la pratique du judo dans un club, ça transforme qui tu es dans ta vie de tous les jours. On ne s’en rend pas compte mais ça a un tel impact que ça rentre à l’intérieur de tes tripes. Et parfois, ça fait mal car il a fallu y aller ! Aller s’entraîner, faire uchikomi, se dépasser pour essayer de gagner sa ceinture noire. Et mon dépassement que j’ai, moi qui m’appelle petit pratiquant de judo dans mon petit club, c’est le même que celui de Jean-Pierre Tripet, ex-athlète ! Lorsque je faisais uchikomi, je me faisais mal en augmentant la rapidité et le nombre de d’uchikomi… Et celui qui est dans son club, à sa mesure, il fait la même chose que moi. La transformation qui se produit est pareille pour lui que pour moi. Sauf si on ne comprend pas le principe et qu’on fait judo uniquement sur le côté sportif.

Le danger est qu’on peut faire une pratique déconnectée de l’enseignement que maître Kano a voulu nous apporter. On peut faire uniquement de la compétition, être même un très grand champion, et ignorer complètement ce que le judo nous apporte en tant qu’homme. Ça ne veut pas dire que le judo n’a pas eu d’action sur moi. Mais je peux volontairement ignorer cette partie.


Comment faire pour ne pas ignorer cette dimension de l'esprit du judo ?


Malheureusement, dans le judo, lorsqu’on nous interroge sur ce qu’est l’esprit judo, on se retrouve un peu court sur la question. On parle souvent de nos valeurs à travers le code moral. Le code moral est quelque chose d’extrêmement important mis en place par Bernard Midan* et d’autres dirigeants à l’époque. Mais ce n’est qu’une facette de l’esprit du judo. 

De même que l’on résume souvent l’esprit judo à l’histoire du judo. Michel Brousse est un remarquable universitaire et son travail sur l’histoire du judo est extrêmement important mais là encore, ce n’est qu’une facette de l’esprit du judo. 

Jigoro Kano a dit « améliorer l’homme et la société ». 

On a tout dit quand on a dit ça… Mais c’est réservé à des gens qui ont une réflexion très importante au niveau philosophique. Le travail de thèse de Yves Cadot est une partie qui amplifie, justement, le côté philosophique du judo et le côté "esprit du judo". 

Cette partie philosophie du judo est complètement délaissée… Cela risque, à terme, d’amputer le judo et ses valeurs. C’est cette partie qu’on ne dévoile pas assez. 


Faudrait-il développer les mondo ?

Jean-Pierre Tripet reçoit son 8ème dan au Kagami Biraki

Aujourd’hui, les mondo sont très peu pratiqués. Lorsque j’étais vice président de la fédération, j’ai proposé des Kagami biraki sur pratiquement tout le territoire et ce fut également l’occasion de réaliser des mondo. Et il y a un rituel bien sûr… C’est pour cela que le judo est initiatique : parce qu’il est rythmé par des rites. C’est aussi ce qui nous forge. Quand tu montes sur le tatami, tu ne montes pas n’importe comment. Quand tu débutes le cours ou une action en judo sur le tatami, il y a un ordonnancement qui est fait, c’est un rite et il est immuable théoriquement. 

Je reprendrais les propos de Marie-Madeleine Davy que je conseille en lecture, dans L’homme et ses métamorphoses. Elle dit que pour qu’on devienne un homme au sens large du terme, il faut creuser à l’intérieur de soi, à l’intérieur de sa cathédrale. Taper au marteau, au burin, au maillet pour ciseler son intérieur, ça fait mal ! Qu’est-ce que ça veut dire ? C’est le dépassement. C’est ça la notion de dépassement. Alors par la pratique d’uchikomi, du randori, du shiaï*, c’est ça en judo pour nous. Par l’abnégation de choses en judo où nos pulsions sont canalisées, il faut les maîtriser. Canalisés dans un 1er temps, maîtriser dans un second temps.

La psychologie d’approche en judo a un effet beaucoup plus important sur nous que ce qu’on peut imaginer.


6- QU'EST-CE QUE LE CERCLE KANO ?


Qu'avez-vous prévu au programme ?


Il est prévu une visio conférence ouverte à tout le monde où on fera la présentation du cercle Kano, surtout de ses buts et de ce qu’on veut faire. D’abord, réunir les hommes et les femmes de bonne volonté. Réunir les personnes qui, au-delà d’une pratique sportive, ont bien compris que le judo avait d’autres qualités que de façonner le corps, comme celle de façonner l’esprit. On n'a pas de prétention. On n’est pas les meilleurs, ni les plus beaux ou les plus forts… On a une maturité d’esprit qui nous amène à nous rencontrer mais on n’a pas de vérité. Je pense qu’il y a des vérités, mais la vérité, il faut la chercher et c’est ce qui nous construit. Le principe du cercle Kano, c’est d’apporter justement ce qui nous manque : expliquer ce qu’est l’esprit judo. Quand je le dis comme ça, c’est très prétentieux ! Mais autour de moi, un certain nombre de personnes peuvent parler de la philosophie judo et des préceptes de maître Kano. Si on les lit, on peut les comprendre. Mais il faut les lire… On voudrait traduire ce que disait Kano dans sa pensée en pratique et en exemples. Proposer des travaux que font certains de nos membres et les mettre à la disposition de l’ensemble des gens qui seront adhérents chez nous. Et faire des Visio conférence avec des thèmes. Notre rôle est celui de la vulgarisation des pratiques de ce qu’on appelle l’esprit judo. Donc de mettre en musique, avec des mots, ce qu’on pense bien, ce qu’on ressent bien, ce qu’on peut bien faire mais qu’on ne sait pas exprimer. C’est ça le pari que j’ai fixé avec les gens qui sont au départ avec moi. 


Parler "esprit du judo" ne sera-t-il pas "trop philosophique" pour les pratiquants ?


Bien sûr, certains peuvent penser que c’est trop philosophique et que ça part trop dans des dimensions ésotériques mais le judo a deux phases. Une phase ésotérique et une phase exotérique. Cette dernière, c’est le judo compétition, la pratique au quotidien. La phase ésotérique, c’est ce que tu comprends. Mais c’est réservé à ceux qui pratiquent. 

J’ai pu avoir une expérience intéressante. Alors que j’étais avec des amis du judo, certains membres de ma famille étaient présents autour de la table. Nos conversations dérivaient souvent vers le judo. Un jour, ma belle-sœur m’a dit : « C’est extraordinaire le judo, vous avez un langage ! Vous avez employé plein de mots dans votre conversation, sûrement d’origine japonaise, que les non initiés ne peuvent pas comprendre. On n’est pas perdu dans la conversation mais on ne peut pas comprendre tout le sens au moment où vous employez ces mots ». Voilà ce qui est réservé bien souvent aux judokas et je suis convaincu que chaque judoka a déjà vécu ça. 


Comment allez-vous parler de cette partie ésotérique du judo ?


Pour pouvoir en parler, il faut l’appréhender. Mais cette facette n’est pas du tout développée, même dans les formations. On se limite bien souvent, dans les écoles de cadre, à l’histoire du judo, ce qui est très important et nécessaire. On le fait à partir du soutien de Michel Brousse et son histoire du judo, un travail remarquable… On le fait également un petit peu sur la thèse de Yves Cadot mais beaucoup moins car son sujet est moins vulgarisé alors que ce serait un très bon support. Enfin, on s’appuie également sur une remarquable intervention de M. Kawashi qui parle de l’histoire de son père et de sa méthode. Mais l’esprit du judo, c’est ça et autre chose. 


À VOUS LA PAROLE 😉

Vous pouvez retrouver le cercle Kano sur facebook (cliquez ici). Tous les liens orange vous mèneront aux lectures ou références mentionnées.
Merci à Jean-Pierre Tripet pour cette interview ainsi que pour plusieurs photos retrouvées. Merci à Daniel Fournier pour les précieux documents d'archive.

💬 À vous de commenter cet article pour participer à cet échange !


Votre histoire judo à vous

Comment avez-vous commencé le judo ? Avez-vous appris, juste par le comportement de ceux qui vous ont accueillis ?
Avez-vous gardé le contact avec votre club d'origine ?
Travaillez-vous les techniques difficiles même si vous ne les passez pas en combat (randori ou compétition) ?
Quelle place ont les katas dans votre judo ?

L'apprentissage et la compétition

Quelles différences, pour vous, entre un coach et un professeur ? Et les points communs ?
Qu'est-ce qui fait un bon coach d'après votre expérience ? Un bon professeur ?
Seriez-vous prêt à combattre en toutes catégories ? Cette épreuve devrait-elle être remise sur le devant de la scène ?
Quel détail, d'après vous, peut faire la différence dans un combat ? Lorsque deux combattants sont de même niveau technique par exemple ?

Votre "philosophie judo" 

Et vous, qu'est-ce qui vous passionne dans le judo ? Pourquoi le judo et pas une autre discipline ?
Comment vivez-vous, dans votre parcours judo, les valeurs physique, technique et de l'esprit ?
Est-ce que le judo a été initiatique pour vous ? En quoi ?
Aimeriez-vous des mondos à la fin de chaque cours ?


*Lexique 

Kiatsu : technique de réanimation après perte de connaissance lors d'un étranglement
Shiaï : mot japonais pour dire "compétition". En France, ce mot est utilisé pour désigner les compétitions réservées aux passages de grade.
ACBB : Athétic Club Boulogne Billancourt (club ayant en son sein une section judo)
Yatsuko Geiko : Exercice de judo consistant à mener un combat avec un partenaire, avec certaines contraintes, afin de travailler et progresser.
Bernard Midan : pionner du judo français, à l'origine du code moral créé à la fin des années 1980.
Mondo : temps d'enseignement oral et d'échange avec son maître.



Axel Clerget recommande 20 exercices en prévention des ruptures du « croisé » spécifique au judo

Axel Clerget recommande 20 exercices en prévention des ruptures du « croisé » spécifique au judo

Axel Clerget...
🥉🥉Double médaillé mondial (2018 et 2019)
🥈Médaillé européen (2017)
🥉Médaillé olympique à Rio (2016)
🥇 Champion olympique par équipe à Tokyo (2021)


Axel Clerget judoka champion olympique

...est aussi kinésithérapeute ! Il partage généreusement un extrait pratique de son mémoire afin de permettre aux judokas de réduire les risques de blessures sur les croisés grâce à une prévention adaptée : l'adaptation du PEP Program qui a diminué de 88% le risque de rupture sur plus de 4000 footballeurs.

Tout le texte et les images ci-dessous sont issus du mémoire d'Axel Clerget qui a accepté que ce soit publié sous forme d'article sur le blog Secrets de Judokas. Merci Axel !

👉 Pourquoi faire de la prévention des ruptures du "croisé", spécifique au judo ?


Pourquoi ?

👉 12,5% des judokas de haut niveau sont touchés par cette blessure. Un judoka a 20 fois plus de chances de se rompre le ligament croisé antérieur qu'un footballeur !
👉 Une rupture du "croisé", c'est 10 mois d'arrêt du judo.
👉 Seulement 20 à 60% des personnes opérées reviennent à leur niveau antérieur.
👉 Le risque d'arthrose s'il y a rupture est élevé.

Pour qui ? 

👉 Tout le monde à partir de 14 ans.
👉 Les femmes en particulier puisqu'elles ont 3 à 5 fois plus de risques de rupture que les hommes, à cause de la forme du bassin différente et de la variation du taux d'œstrogène. La contraception orale diminue d'ailleurs les risques
👉 Ceux ayant déjà eu une rupture, puisqu'ils ont 5 à 25 fois plus de risques de rupture qu'un sujet sain
👉 Ceux ayant les genoux valgum, dit en X

Pourquoi la prévention est-elle efficace ?

👉 Elle permet de travailler les bons muscles, dans leurs bonnes composantes. Par exemple, le travail excentrique des ischio-jambiers qui est un muscle trop faible chez les judokas ainsi que l'augmentation de la proprioception.
👉 Le protocole fut réfléchi par des chercheurs puis adapté aux contraintes spécifiques du judo
👉 On modifie la structure du ligament croisé antérieur en le rendant plus résistant
👉 Le seul fait d'être informé diminue le risque de rupture


Qu'est-ce que le ligament croisé antérieur ?

Le ligament du genou, tendu entre le fémur et le tibia, évite l'avancée du tibia et la rotation interne du genou.

Comment arrive la rupture ? 

Quand le genou part vers l'intérieur (valgus-flexion-rotation externe) ou l'extérieur (varus-flexion-rotation interne) ou en hyperextension sur les mécanismes suivants :

1️⃣ simple changement de direction ;

2️⃣ Réception d'appui après attaque adversaire

3️⃣ des pivots forcés


LE PROGRAMME

👉 Séances de 20 minutes (idéale en échauffement), 3 fois par semaine pendant 6 semaines (en pré-saison de préférence) + un rappel 1 fois par semaine pendant la saison.


1- Échauffement à ne pas négliger

1️⃣ Course marche avant 30 sec

2️⃣ Course marche arrière 30 sec

3️⃣ Pas chassés 30 sec

2- Étirements courts, 10 secondes, et actifs (contraction associée du muscle) pour un meilleur échauffement

1️⃣ Mollets

2️⃣ Quadriceps

3️⃣ Adducteurs

4️⃣ Ischio-jambiers

5️⃣ Psoas

3- Renforcement musculaire pour améliorer la puissance et la stabilité du genou

1️⃣ Fentes avant
3X10 rép

Genou et cheville alignés,
"genou au dessus du gros orteil"

2️⃣ Montées pointes de pieds
30 rép sur chaque jambe

3️⃣ Ischio-jambiers en excentrique
3X10 rép

Le partenaire tient fermement les chevilles. Chercher à contrôler la descente sur la plus grande amplitude possible, dos droit. Remonter en faisant une pompe.

Note : Ajout de poids progressif pour les 2 premiers exercices : 5 puis 10kg pour les -73kg ; 10 puis 20kg pour les +73kg

4- Pliométrie

La pliométrie développe deux qualités physiques primordiales chez le judoka : la coordination et l'explosivité.

⚠️ Attention : ces exercices sont basiques, on cherche la qualité et non la quantité.

👉 La technique de réception est l'élément le plus important. Elle doit se faire :
- en douceur,
- sur la pointe des pieds avant de reposer le talon
- tout en fléchissant le genou
- en maintenant la hanche droite.
Les genoux ne doivent partir ni vers l'intérieur ni vers l'extérieur : "genou au-dessus du gros orteil"

1️⃣ Sauts latéraux par-dessus un plot.
20 répétitions

2️⃣ Sauts avant-arrières par-dessus un plot. 20 répétitions

3️⃣ Sauts sur une jambe par-dessus un plot. 20 répétitions

4️⃣ Sauts verticaux : se tenir debout, fléchir légèrement les jambes et pousser verticalement pour sauter.
20 répétitions
Attention à la technique de réception, minimum 60° de flexion de genoux

5️⃣ Sauts latéraux : 20 répétitions
Attention à maintenir un axe hanche-genou-cheville.

5- Exercices spécifiques judo

1️⃣ Appui unipodal avec déséquilibre intrinsèque 10 répétitions + 2️⃣ "uchi mata sauté" 10 répétitions

Objectif : prévenir la lésion sur réception d'appui
👉 Faire les 2 membres inférieurs

1️⃣ Main droite au zénith puis venir toucher pied gauche (10 allers-retours) : travail des muscles stabilisateurs du genou.

+ 2️⃣ 10 uchimata sautés dans le vide : travail de triple extension du membre inférieur + travail excentrique et stabilisateur à la réception


3️⃣ Pas chassés en miroir :

Objectif : se rapprocher des situations de combat et prévenir les lésions sur les changements de direction + intégrer un aspect ludique dans le travail de groupe.

Chacun des partenaires dirige l'autre pendant 30 sec. L'autre doit essayer de suivre en surveillant sa position de genou lors du changement de direction : pas de genoux vers l'intérieur ou vers l'extérieur.


4️⃣ Pivots contrôlés :

Objectif : prévenir les lésions en position de "pivots forcés" en développant les haubans latéraux.

Rotation des épaules, du tronc et du bassin mais avec des appuis forts au sol. On passe d'une position extrême de stabilité du genou à l'autre (20 répétitions). Déjà sans poids puis avec poids. Possibilité de la faire en unipodal.

Bon courage...


N'hésitez pas à partager en commentaires vos mises en applications de ces conseils ! 👇

Histoires d’humiliation : faire le Japonais [Jean-Luc Barré : une vie dédiée au judo – Episode 5]

Histoires d’humiliation : faire le Japonais [Jean-Luc Barré : une vie dédiée au judo – Episode 5]

ÉPISODE 5 - HISTOIRES D'HUMILIATIONS : FAIRE LE JAPONAIS


SENTIR QU'ON VEUT TE TUER SUR UN TATAMI


UNE INVITATION MÉCHANTE

J’ai eu une mésaventure extrêmement douloureuse avec un professeur du Kodokan. C’était un ancien, un fidèle, qui se donnait une carapace de Sensei. J'aimais faire randori au Kodokan, même si ce n’est pas aussi fort que les universités. C’est plutôt des gens qui travaillent ou des étudiants qui viennent pour faire du judo un peu en loisirs le soir.

Un soir, alors que j'avais déjà fait quelques randori avec des Japonais, un prof tout petit, à peine 1m50, mais très large, vient m’inviter d’une main sévère. « Randori ? » J’avais vu le côté méchant dans son invitation. Évidemment, je dis oui, mais je ne savais pas quelle attitude adopter car je ne savais pas si c’était un Sensei vu son âge. Il avait vraiment cet air méchant. Je me dis que si c’est un professeur, je ne peux pas faire un vrai combat comme avec un jeune. Je ne peux ni être obséquieux, ni condescendant, ni timoré… Je ne savais pas trop quoi faire. Et lui était très fort des bras, méchant.


LA TÊTE PAR TERRE

Soudainement, il me fait un ko uchi gari en me donnant un coup de poing dans le menton et en me mettant la tête par terre. J’étais sonné. Il fait un tour sur lui-même puis me reprend et me refait pareil. Deux fois ! Je me dis "quelle puissance !". Il était fort ! Je me relève complètement sonné ! Et là, il me fait un morote oto otoshi, en me mettant la tête par terre sans me faire rouler. C’était donc la 3ème fois. Il l'avait fait exprès de me mettre la tête par terre. Je savais suffisamment bien chuter pour le savoir. Il me fait alors un signe dédaigneux, avec une grimace, en disant « Ukemi*, no…. », signifiant que je ne savais pas chuter… Et il part sans me saluer, en me tournant le dos.

Il l’avait fait exprès pour m’humilier. Il avait vu qu’il y avait ma femme qui me regardait des gradins avec M. Pelletier. Il m’avait vu faire quelques randori avec des jeunes judokas, randori qui avaient plutôt bien marché pour moi. Il avait envie de me donner une leçon.


"FAIRE LE JAPONAIS"

Je me suis mis à genoux et je me suis senti humilié comme jamais je ne me suis senti dans ma vie. Je sentais l’adrénaline comme si c’était un courant brûlant dans ma gorge. Une humiliation que je n'avais jamais rencontrée dans ma vie. Et je suis resté à genoux, stoïque, sans rien dire. J’ai fait le Japonais. C’était très très dur.

Le soir, j'ai dit à ma femme que j'avais senti que lui, il avait envie de me tuer. J’ai vraiment senti le danger pour ma vie.


CHANGER LA DONNE

Je l'ai retrouvé ce monsieur. Trois ans plus tard, lorsque je me suis installé au Japon. Il a voulu me faire le même coup mais là je savais que ce n’était pas un Sensei. C’était un vieux fidèle… Et les choses ne se sont pas passées de la même manière. Je ne l’avais pas oublié. Et comme j’avais compris que ce n’était pas un professeur, j’ai mis les bouchées doubles. Il ne m’a pas fait tomber sur les mouvements que je connaissais. Je l’ai pas mal fatigué, je l’ai bien mis en mouvement, je l’ai pas mal inquiété et surtout, j’étais prêt à ne rien lâcher. Et c’est lui qui a préféré arrêter le randori avant la fin.

Après, il me disait bonjour tout le temps. Et en compétition, il était dernière moi et il m’encourageait !


NE PAS PERDRE LA FACE

Une autre fois, à Tenri, je fais randori avec un Coréen. C'était l’époque où les Coréens étaient presque encore plus forts que les Japonais, dans les années 96-97. Je mets un beau balayage à ce jeune judoka. Le problème, c'est que c’était devant ses copains. Cela l'a fait entrer dans une folie incroyable... Il faisait tout et n’importe quoi. Il faisait exprès de m’emmener sur le plancher pour me faire tomber, il était aussi fort que brouillon, et il était prêt, corps et âme, à tout et n’importe quoi, pour me mettre minable et ne pas perdre la face devant ses copains. 

Le randori a duré 6 minutes, je n’en pouvais plus. À la fin, il m’a dit « Mister, one more ». Et j’ai été obligé de refaire 6 minutes encore avec lui. À un moment, je n'en pouvais tellement plus que lorsqu'il me faisait le mouvement, je tombais. Sinon, je sentais que mon coeur allait lâcher.


SE NOYER

Nittadai est l'université du sport à Tokyo. C'est une université très forte, là où s’entrainait Koga. Une fois, j’ai été en Tate durant une heure (voir épisode 4), et ça s’était plutôt bien passé. Pour le dernier randori de cette heure de Tate, j’ai été invité par un gars qui faisait bien 15 ou 20 kilos de plus que moi et qui était extrêmement méchant.

Il savait que j’étais fatigué. Il m’a pris, me faisait chuter, mais au lieu de me laisser me relever, il me tenait et me ramassait à bout de bras en m’asphyxiant pour me faire chuter à nouveau. Je lui disais de me lâcher, je lui parlais en japonais... Mais il ne me lâchait pas. J’avais l’impression que c’était comme quelqu’un que l'on veut noyer : à peine la tête sortie de l’eau, on la lui enfonce encore. À un moment, mes poumons étaient totalement comprimés, je n'avais plus d’air. Il continuait de m’empêcher d’en avoir. J'ai réussi à lui donner un coup de poing pour qu’il me lâche, ce qu'il a fait un peu... Mais il m’a repris. Il me faisait chuter, encore et encore, sans me lâcher, même dans le mur. J’essayais de lui demander pourquoi il faisait ça… Mais il ne disait pas un mot. Il avait l’oeil extrêmement méchant. J’étais une serpillère dans ses mains. Il aurait pu me faire claquer sur le tatami.


LE JUDO SAMOURAÏ

Citation sur les différents styles de judo : sportif, traditionnel, loisirs et samouraï

Le judo, c’est plein de facettes. Il y a le judo sportif, comme on voit en France. Le judo loisirs, c’est du plaisir, c’est aussi du social. Il y a le judo culturel comme on voit plus au Japon. Puis il y a le judo samouraï… C’est le combat de la vie. Il y a presque autant de danger que quand on se bat avec quelqu'un dans la rue. On ne sait pas ce qu'il peut arriver, on peut se prendre un coup mal placé... Ça fait aussi partie du judo.

Je ne dirais pas que je suis content d’avoir vécu ça mais ça fait partie de mon expérience. D'autant que, chaque fois, j’étais tout seul.

N’oublions pas qu’il n’y avait pas internet à cette époque. Je ne pouvais pas appeler après l’entrainement, j'étais vraiment complètement coupé de mon monde, seul avec moi-même. La majorité des judokas viennent avec leur groupe... J'ai vu des compétiteurs arriver tout contents ; mais il y a les copains derrière ! Il y a le confort du groupe ; ils restent dans leur confort social ! 


RANDORI AVEC LES PLUS GRANDS CHAMPIONS


EGUSA LE NUMÉRO 2

J’ai beaucoup fait randori avec Egusa, on peut dire qu'il m’a un peu terrorisé ! Il était numéro 2 à ce moment-là. Ce n’est d’ailleurs pas toujours le numéro 1 qui te martyrise… C’est souvent le numéro 2 ou 3, celui qui a beaucoup plus à prouver.

Egusa était un garçon charmant avec qui je m’entendais très bien. Mais à 20 ans, il me cassait la gueule de façon incroyable ! Un jour, j’ai eu le malheur de le faire saigner du nez dans un geste maladroit et après, c’était un enfer ! Il faisait des trucs incroyables… Et lui, il n’a jamais été champion du monde. Il a fait beaucoup de places de 2ème ou 3ème… Mais le numéro 1, c’était Nomura. Tokuno aussi, qui avait détrôné Nomura à un moment.


NOMURA, CE JEUNE MARTIEN

Citation sur les différents styles de judo : sportif, traditionnel, loisirs et samouraï

À Tenri, ils m'ont mis, jour, Nomura en Tate. Il était tout jeune, avec une tête d’adolescent qui sort des cadets. Là, je me suis demandé qui c’était… On ne le connaissait pas car il venait d'arriver. Je le regardais et il faisait tomber tout le monde ! Avec sa tête de jeune gamin… Je me suis dit que c’était un martien. Quelques mois plus tard, aux J.O. d’Atlanta, je vois sa tête dans les journaux : champion olympique. J'ai tout de suite compris. Je n’étais pas surpris.

"JE N'ÉTAIS PAS DU NIVEAU"

J’ai aussi fait randori avec Nomura. Il était gentil et il a fait un randori très cool et sympa. Mais j’avais l’impression de ne rien pouvoir faire ! Dès qu’il ouvre, il fait un mouvement et tu tombes. Je ne sais pas comment il fait. Et tout ce que je voulais faire, il le voyait venir trois heures à l’avance ! Quand je voulais faire mon Uchimata à gauche, il avait déjà conditionné son corps, ses mains... Tout était déjà positionné pour le contourner et faire Tai-o-toshi ou autre chose ! C'est simple, il ne valait mieux pas que j’attaque. Je sentais que toutes mes attaques allaient se porter contre moi. Et avec une facilité !

Sans être égocentré, il faut reconnaitre qu'il y a toujours un peu de narcissisme quand on fait bien le judo. On est content de soi, on sait qu’on progresse. D'ailleurs, quand on fait une activité, c’est aussi pour la confirmation de soi, un peu comme une consécration. Moi, j’étais content de sentir que j’étais fort en judo… Mais à un moment, inévitablement, il faut se rendre à l’évidence face à ces judokas : on n’est pas du niveau.


DES MACHINES À COMBATTRE

Un jour, je me suis entrainé à Meiji. J’ai vu des gars tellement forts que j’ai arrêté l’entrainement. Je sentais que je n’étais pas du niveau. C’est comme si tu emmenais une ceinture blanche ou jaune à l'Institut du Judo*. Peut-être qu’il peut y avoir de la fatigue, c’est vrai. Mais il faut reconnaitre que parfois, le décalage est trop grand. Ça ne peut pas être comblé, il faudrait des années.

EN 2001, je me suis entrainé avec les filles de Cuba, je connais bien Ronaldo. Là-bas, il n’y a pas de randori. Que des uchikomi sur des tendeurs et des nagekomi ! Elle m’ont autorisé à faire l’entraînement avec elles, j’étais le seul garçon. C’était énorme… Je me souviens de Savon, cette championne du monde en -48g. Une icône. Là-bas, ce sont des machines à combattre.


FRÉQUENTER KOGA

Citation sur les différents styles de judo : sportif, traditionnel, loisirs et samouraï

J'ai aussi assez bien connu Koga, notamment parce que j'étais à ses côtés lors de l'inauguration du Pont de Shikoku en septembre 1999. C'est impressionnant car c'est un pont qui relie les 9 îles de Onomichi à Imabari sur les îles de Honshu et Shikoku ; et les travaux duraient depuis 1979 ! Il se trouve que ce pont résulte d'une alliance entre des ingénieurs japonais et français. C'est pourquoi les autorités japonaises ont voulu marquer l'événement par un symbole fort qui rassemble les deux peuples depuis des décennies, et ils ont choisi le judo.

Koga et Patrick Vial ont été invités pour présenter leur thèse et faire une explication technique de leur mouvement spécial. J’étais le partenaire de Patrick Vial pour sa démonstration et j'ai également fait, moi-même, une démonstration technique, invité par Ikonuma (ancien de l'équipe nationale du Japon et responsable du Kodokan). Il y avait aussi une compétition par équipe avec mes élèves du lycée franco-japonais de Tokyo, encore un symbole de l'amitié franco-japonaise.



C'est comme ça que j'ai pu côtoyer Patrick Vial et Koga pendant deux jours. Du coup, lorsque mon fils, June-Raphaël, a eu l'âge de commencer le judo, je l'ai mis dans le club de Koga, à Tokyo, le Kawasaki. Et j'ai également gardé le contact avec Patrick puisque je me suis licencié au club de Maison-Alfort durant 3 ans.


L'ESPRIT DES COMBATS JAPONAIS

Sur l’ensemble des randori, j'ai beaucoup appris d’un point de vue spirituel et psychologique. Il faut dire que mon ex-femme m’a inculqué beaucoup de choses. Même en n'ayant jamais fait de judo, elle m’aura appris beaucoup plus que n’importe quel professeur. À chaque fois que les Japonais faisaient telle ou telle chose, elle était capable de l’expliquer par rapport à la culture. J’ai ainsi appris que, quand tu fais randori, au Japon il y a le côté "tué" ou "être tué". C’est mis en application. Dans les universités très fortes où les gars sont compétiteurs, il n’y en a qu’un des deux qui doit être le patron en randori. C'est comme sur un navire, il y a un commandant. Donc forcément, le gars qui combat avec toi va faire en sorte de l'être. C’est très fortement ancré dans leur tête : qui va prendre l’ascendant sur l’autre d’un point de vue psychologique. C’est une donnée à prendre en compte.


SAVOIR QU'ON EST INCULTE... SIMPLEMENT.

Nous, les Français, on ne connait pas assez le judo. On ne le sait pas et on n’a pas envie de le savoir, mais on est extrêmement incultes. Même si on a une fédération qui est très structurée et organisée, on est beaucoup dans le tape à l’oeil. C’est bien beau de dire qu’on a nos champions avec de beaux posters et des médailles autour du cou. Il y a les kimonos bleu blanc rouge, le coq France, les gars un peu beaux gosses... Mais c’est tellement factice. Tellement de la poudre aux yeux ! Ça ne vaut rien ! Je ne veux pas critiquer les judokas qui font de la compétition parce que ça reste un effort… Mais quand on voit Shozo Fujii ou des gens que j’ai pour héros comme Okano, ils ont une vraie réflexion sur eux-mêmes, sur la vie, sur la culture, sur le judo… Ils ont une certaine vision des choses… Face à eux, on se dit qu'on est inculte ! Extrêmement !


LE PAYS DES PARADOXES

Les Japonais sont ce qu’ils sont et sont aussi le contraire de ce qu’ils sont ! Par exemple, j’ai travaillé dans un restaurant japonais. Nickel, propre, pas une poussière… Mais derrière, dans les cuisines et les vestiaires, c’était n’importe quoi. Sale, le bazar, il y avait des mégots de cigarettes partout et il n’en avaient rien à faire. Ils s’en fichaient complètement ! Autre exemple : on dit que les Japonais travaillent beaucoup, mais ils sont moins efficaces que les Français. On va dire que c’est une société du travail mais ils font beaucoup de choses inutiles. C’est juste beaucoup de temps passé au travail... 

Au judo, c'est pareil. On dit qu’ils sont souples, mais il faut savoir que c’est le pays où il y a le plus de morts sur les tatamis ! Il y a des chiffres ! Mais on n'en parle pas, les gens ne le savent pas.


JUDO SOUPLE OU JUDO DANGEREUX ?

Regardez quelqu'un comme Koga. Extraordinaire, très fort, c'est vraiment un combattant que j'ai estimé et admiré ! Mais si on regarde ses combats, il met des morote sur la tête la plupart du temps ! Championnats du monde 1995 : il met Bourras sur la tête. L’israélien rencontré en final : idem. En quart de final, il fait pareil !

Beaucoup de Japonais font ça. On pense toujours que le Japon c’est souple, mais ce n'est pas vrai. Ça verrouille, ça durcit énormément. C’est le pays où j’ai vu les poignets les plus forts ! Quand ils tiennent le kimono, on dirait qu'ils ont pris un fer à souder : impossible de les détacher du kimono... Mais la différence, c'est qu'ils ont une base où ils savent faire du judo. Leurs mouvements sont très forts. Quand ça part, c’est tellement bien fait, avec une telle puissance... ! Mais le côté souple, délié, relâché comme on aime faire en France en judo loisirs, je ne l’ai pas vu, c’est faux. C’est beaucoup de physique.


DEVENIR 6ÈME DAN JAPONAIS


Pris en main par Yamamoto pour le 5ème dan

Lorsque je suis allé vivre au Japon, M. Yamamoto, 9ème dan, m'avait pris en amitié, en affection. Il m'a donc tout de suite pris en main pour me faire passer le 5ème dan Kodokan. Moi, j’étais déjà 5ème dan français donc j'ai eu à passer un examen de validation. On m’a demandé de passer les kata, la technique et les randori. En obtenant ce 5ème dan Kodokan, ça m’a fait entrer dans les hauts-gradés et obtenir ainsi une entrée à vie au Kodokan. Ça m'a aussi donné l’ouverture pour passer le grade de 6ème dan.


12 années pour un 6ème dan japonais

Pour suivre le cursus complet d'obtention du 6ème dan, je devais faire les compétitions et il y en avait 3 dans l’année. Le Koudansha Taikai, la compétition principale au niveau nationale, le 28 avril, puis 1 mois et demi plus tard le Tokyo no Koudansha Taikai qui regroupe les gens de Tokyo, et enfin une 3ème compétition en septembre au niveau régional. Et à chacune de ces 3 compétitions, on ne fait qu’un seul combat. Si on gagne, on a 1 point, match nul : 1/2 point et défaite, 0. On doit aller jusqu’à 10 points et il faut attendre, dans tous les cas, 12 années.


Une question d'influence politique

Lorsque j'ai atteint ces 12 années, j'avais déjà 13 ou 14 points. Il fallait alors l’acceptation du Kodokan puis passer les kata : le goshin jitsu et juno kata. Au début, M. Abbe, directeur du Kodokan, a demandé à ce que j'ai une autorisation de la fédération française du judo, que j’ai eue. Puis ensuite, il a aussi voulu que je passe d'abord mon 6ème en France avant de l'obtenir au Japon. Comme il connaissait bien la France, il ne voulait pas être en porte-à-faux avec la fédération qui est une grosse fédération, très influente. Je suis quand même allé à la section internationale du Kodokan pour en parler. Un américain et un Philippin étaient passés avant moi sans qu’on leur demande le 6ème dan de leur pays, ils étaient donc dans le même cas de figure que moi ! En réalité, ils n’ont eu aucun problème car leurs fédérations ne comptaient pas. Alors que la fédération française reste la plus forte au monde politiquement. Bien sûr, je trouvais que ce n’était pas une bonne raison pour refuser mon passage puisque c’était une raison politique et non judo ! Surtout que j’avais fait mes preuves au Kodokan, j’étais plutôt apprécié, je m’étais fait remarquer comme un judoka plutôt correct. Donc je trouvais ça dommage. Et ça a fini par être accepté.


L'épreuve du kata

Pendant une année, ils m’ont regardé préparer le kata sans rien dire. Ils m’avaient donné une partenaire qui avait environ 40 ans, une fidèle du Kodokan qui était toujours là, et on faisait donc les katas tous les jours. Mais ce qui était difficile, c'est que chaque jour, on devait montrer notre kata à un Sensei. Je sentais que chaque jour était un examen. C’était extrêmement éprouvant psychologiquement… J’avais du stress, j’étais fatigué, j’avais maigri.

Un jour, ils m’ont dit « demain tu as l’examen ». Mais quand ils disent ça, ça veut dire que c'est fini, que je vais l'obtenir. Ils m'avaient observé pendant 12 ans, j'avais obtenu mes points en compétition, ils savaient qui j'étais. Ils savaient que j'étais prêt, donc ils pouvaient fixer la date de l’examen, comme une formalité, pour valider.  C’était en janvier 2011 et en février, alors que j’étais en Russie dans un sport étude de judo, j'ai reçu un email qui me félicitait pour l'obtention de ce 6ème dan.


6ème dan kodokan, mais aussi japonais

J'étais content car j’ai passé la version complète du 6ème dan, celle du Japon, ce qui est plus que celle du Kodokan. D’autres français comme Pelletier, Jacques Seguin ou Patrick Bigot étaient déjà 6ème dan en France et ont donc passé une validation. C'est un examen de katas mais sans les combats. Jusqu'à présent, je suis le seul à avoir fait tous les combats comme les Japonais. C'est ce qui fait que j'ai le 6ème dan Kodokan bien sûr, mais surtout japonais. Je suis d'ailleurs prêt à continuer pour le 7ème dan, j’en suis à 5 points, je n'ai encore jamais perdu de combat. Mais avec la COVID, j’ai perdu 3 années. Pour anecdote, juste avant la COVID, le Kodokan m’a remis une récompense car j’ai eu 20 ans de participation au Kodokan shatakai, de 1999 à 2019, sans arrêt. 


PROJETS FUTURS


Redresser le club, grâce à des élèves fidèles

D’abord, je voudrais que mon club, le Kogakukan, redémarre. Nous avons pris trois très grosses claques récemment. D'abord, la fermeture du gymnase Garancière qui était notre vitrine, notre QG, un outil de travail exceptionnel. Ensuite, comme pour tout le monde, il y a eu la COVID. Enfin, le trésorier de notre club, qui était par ailleurs mon beau-père, est décédé. C’était un homme d’une immense gentillesse, très courageux, qui avait fait la guerre d’Algérie et qui avait vu des choses très difficiles. Il était 2ème dan, même s'il ne faisait plus de judo, et s’occupait de tout le club : la comptabilité, l’administratif, tout !  Il faisait ça d’une main de maître… D'ailleurs, il représentait le club, il en était l’image. Donc en un an et demi, on a tout perdu.

On redresse le club, ce qui n’est pas facile. Heureusement, j’ai des élèves qui sont fidèles, j’ai beaucoup de chance. Je profite de cette interview pour vraiment les remercier. Il n’y a pas que le professeur, il y a aussi la qualité des élèves !


Les voyages

Je reprends aussi les voyages en Thaïlande puisque j’y suis intervenant depuis 18 ans, dans un lycée. Ils font très bien judo, à la japonaise ! J’y emmène donc de temps en temps mes élèves…

De mon côté, j’espère reprendre prochainement mes allers-retours sur le Japon pour raccorder le réseau, mes connections, reprendre les compétitions et me remettre dans le bain du judo japonais… Je sais qu'inévitablement, si je suis de nouveau nourri par le judo japonais, ça ressortira sur le club et sa dynamique.


À bientôt

On n'a pas eu le temps de parler du Maroc, de la Finlande, du Laos, de la nouvelle Zélande, de l'Australie... J’ai de bonnes anecdotes ! Il faut dire que ces 50 années de judo sont forcément remplies, c'est normal.

Alors à bientôt, pour d'autres épisodes peut-être ?


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Les années Japon en totale immersion [Jean-Luc Barré : une vie dédiée au judo – Episode 4]

Les années Japon en totale immersion [Jean-Luc Barré : une vie dédiée au judo – Episode 4]

ÉPISODE 4 : LES ANNÉES JAPON, EN IMMERSION TOTALE


CONNAITRE LE JAPON PAR L'IMMERSION


HABITER AU JAPON ET VIVRE LE QUOTIDIEN

Les 27 fois où je suis allé au Japon, j'étais dans la vraie vie japonaise grâce à ma femme. Je ne partais pas avec un groupe en auberge de jeunesse. Je parlais déjà un petit peu la langue et je pensais que je connaissais le Japon. En fait, non. Je me suis rendu compte que le Japon, on le connaît quand on commence à y vivre. Lorsqu'il faut louer un appartement, prendre les transports, faire réparer sa moto, payer son loyer, son électricité, etc. Il a fallu que je travaille, c'était vraiment l'immersion totale ! C'est là que je me suis rendu compte que je ne connaissais pas le Japon.

Il y a beaucoup de gens qui partent au Japon et s'affichent comme des connaisseurs du Japon, mais non. Même s'ils y vont 10, 20 fois... Ils ne parlent pas bien la langue, n'y ont jamais travaillé, n'ont pas vécu vraiment là-bas.


AFFRONTER TOUTES LES SITUATIONS

Un pays, pour en être imprégné, il faut quand même y passer du temps et vivre une multitude de situations. Par exemple, parfois j'avais des soirées avec des japonais, nous mangions et discutions en japonais, je buvais de la bière... Et même quand la tête commençait à tourner un peu, il fallait continuer à parler japonais ! 

J'ai eu de la chance parce que j'ai commencé à travailler dans un restaurant comme serveur. Or personne ne parlait ni français ni anglais, donc c'était une première épreuve. Ce n'était pas facile d'interagir avec les clients, de répondre à leurs besoins !


SE DÉCOUVRIR CAPABLE DE PARLER JAPONAIS

Ensuite, je suis devenu prof de français chez Berlitz. Ce n'était pas forcément intéressant, j'avais plus l'impression d'être un perroquet parlant qu'autre chose, mais c'était rigolo. Comme je faisais partie du personnel, j’avais le droit d'avoir des cours de langue à un prix très intéressant, j'avais juste la commission du professeur à donner, Berlitz ne touchant rien et mettant les locaux à notre disposition.


Kineo Hori en Nouvelle Caledonie

C'est comme ça que j'ai pris des cours de japonais. Par chance, je suis tombé sur un prof très sympa qui était un ancien judoka ! Il a été très subtil et très intelligent dans sa manière d'enseigner car, voyant que j'aimais le judo, il a décidé de m'enseigner le japonais en construisant des conversations autour du judo, sur les mots que je connaissais. Il me faisait répéter plusieurs fois les mêmes phrases, me posait des questions pour je réponde par l'affirmative... Puis il me les posait pour que je réponde de manière différente, en ajoutant à chaque fois des éléments différents autour du judo. Il aurait pu prendre n'importe quel thème ! Mon niveau de japonais a grimpé... C'est comme si tous les mots que j'avais appris bêtement par cœur, qui ne ressortaient pas, avaient pris place dans les phrases. Une logique de phrase s'est mise en place et tout ce que j'avais appris avant, qui ne faisait même pas partie des cours avec ce monsieur, prenait place.

J'ai commencé à parler et je me suis dit que c'était merveilleux. Je me suis rendu compte que je pouvais avoir des conversations avec des Japonais. J'étais très content de moi parce que je ne pensais pas que j'étais un idiot, mais je me croyais incapable d'apprendre une langue...


UN PREMIER VOYAGE AU JAPON... SANS JUDO

Juste avant de quitter la Nouvelle-Calédonie, on avait convenu, avec ma femme, de faire mon déménagement à l'occasion d'une de ses rotations, c'est à dire en passant par le Japon. C'était donc la première fois que j'y allais. Elle m'a présenté ses parents qui m'ont invité dans un très bon restaurant ; ils m'ont offert un très beau yukata... Elle m'a fait visiter Tokyo, mais là je n'ai pas pu faire de judo. Puis, il y a eu la rentrée scolaire, le PUC, la rencontre avec Paulette Fouillet qui ne m'a pas laissé respirer, Pierre Guichard qui m'avait reçu dans son bureau, d'un air très austère avec la pluie derrière sa fenêtre... Là, l'eau bleue, les cocotiers, c'était fini. Je n'avais plus la même carte postale ! Lorsque Pierre Guichard m'a demandé de donner des cours pendant les vacances scolaires, je lui ai dit que je ne pouvais pas parce que pendant les vacances, j'allais au Japon. Il a accepté parce que le Japon était le pays du judo, mais j'ai senti que ce n'était pas facile !


DU JUDO À KYOTO

Comme ma femme avait des rotations sur Osaka, dans la région du Kansaï, je suis allé faire du judo à l'université de Kyoto. Ce fut ma première mise en tenue, en judogi, au Japon. Je suis tombé dans un club universitaire très sympa, pas forcément un niveau très fort mais ils faisaient bien le judo. Ils m'ont très bien accueilli et m'ont même demandé de montrer une technique. Je n'avais pas trop envie mais je leur ai montré morote otoshi. Ils étaient très contents ! Ils sont très bon public les Japonais ! Même s'ils font judo mieux que moi, ils ont cette gentillesse et cette délicatesse d'être bon public, d'ouvrir leur esprit et d'ouvrir leur curiosité. J'ai dû faire 2 ou 3 entrainements avec eux, ça s'est très très bien passé, et après on est revenus à Paris.

Carte du Japon, région d'Osaka


DE LA FRANCE AU JAPON : RÉFLEXION SUR LE JUDO


LE JUDO JAPONAIS : DANS LES POIGNETS !

Il faut savoir que ma manière de faire du judo convenait bien au Japon. Moi, j'ai eu une formation de judo classique puis, sur ce judo de base, j'ai essayé de devenir fort en faisant de la compétition, avec quand même une forme de corps, une manière de se tenir qui était assez droite. Ce qui m'a surpris au Japon, ce n'est pas la manière de se tenir mais plutôt la solidité du ventre et des hanches. 

Citation judo de Jean-Luc Barré

Et surtout, c'est qu'ils faisaient judo beaucoup avec les poignets. On sent que ce sont des capteurs et par les poignets, ils arrivent à sentir le partenaire. Ils font des appels ce qui leur permet de faire des changements de rythme, de sentir les transferts du poids du partenaire et de sentir à quel moment ils doivent ouvrir et rentrer. Il y a vraiment ce jeu de bras et ce jeu de poignets que je ne connaissais pas. C'est à la fois flexible et tonique. Il y a vraiment une tenue du corps, une attitude générale. On sent qu'ils n'ont pas négligé la base. Peut-être qu'ils ont appris les principes de base du judo sous la contrainte, mais ils les ont vraiment très bien appris. 

Je n'avais pas non plus les défenses que les Japonais ont. Je les ai travaillées. Egalement dans la manière d'amener les mouvements qui est extrêmement efficace et explosive. Il me manquait cette explosivité quand je suis arrivé. Mais j'avais cette base du judo qui me permettait de me faire plaisir et de les comprendre. Le champs était libre pour que je puisse progresser.


UN PARCOURS QUI S'ENRICHIT DU JUDO JAPONAIS

En fait, si je reprends mon parcours de judoka, j'ai eu 3 tendances. D'abord, au début, la tendance du vieux collège des ceintures noires avec M. Correa et mon professeur. C'était un judo d'aspiration, de sensations du corps, de placement, d'études, de recherche, de feeling judo. Après, il y a la période compétition, notamment à Levallois où là, on ne faisait pas dans la dentelle ! C'était de la compétition pure et dure, ce qui me faisait aussi du bien parce que cette base de judo que j'avais, il fallait bien que je la mette en application. Et c'est ça le plus dur. Et enfin, le judo japonais. Là, c'était un peu un mixte de tout ça, avec le côté culturel qui est très fort dans le judo japonais. Ils ont aussi une manière d'apprendre, de penser la technique très différente de la manière qu'on a, en France, d'analyser les techniques. Eux, c'est un peu l'esprit "2+2 = 4". Ils apprennent les techniques avec des gestes clairs : "d'abord ici, ensuite là, et puis ça". Mais il n'y a pas cette fluidité du corps que j'ai pu apprendre dans l'école Correa où on recherchait toujours a être très flexible. Au contraire, il y avait une certaine rigidité, tonicité, avec des gestes simples et très efficaces.

Quand on met tout ça en relief, il faut réfléchir pour essayer de trouver un point commun à tout pour créer sa propre identité judo. C'est pas toujours facile mais c'est ce que j'ai voulu faire : prendre le meilleur des trois. Et surtout, essayer de l'adapter sur beaucoup de mouvements.


L'EXIGENCE D'ENSEIGNER TOUS LES MOUVEMENTS

Travailler tous les mouvements, ce n'est pas forcément pour les faire en randori mais, en tant que professeur de judo, on se doit d'enseigner tous les mouvements. Il faut donc un principe de compréhension du mouvement qu'on doit essayer d'appliquer. Et il y a beaucoup de mouvements dans le judo ! On ne peut pas enseigner toute une année o soto gari, harai goshi ou uchimata. Bien sûr, j'aime ces techniques comme beaucoup de monde, mais je ne peux pas montrer que ça toute l'année ! Il faut savoir varier ! Montrer les sutemi, les contres, des mouvements comme ko soto gake, qui n'est pas une technique facile... Il faut aussi être capable de savoir démontrer un judo pour les lourds. Moi je suis un léger, et une technique ne va pas être entrée pareil quand on est léger que lorsqu'on est lourd. Et pour ça, il faut prendre des risques, il faut se démener.

Citation judo de Jean Luc Barré

L'AVENTURE TENRI


SE PRÉPARER POUR ALLER À TENRI

Ma femme savait combien j'avais envie d'aller à Tenri dont j'avais tellement entendu parler. Elle m'a dit "écoute, je crois que c'est dur mais si tu en as tellement envie, ça va être dur pour toi, mais je pense que ça te fera du bien." Elle m'avait donc conditionné, mis à la page. Parce qu'au Japon, il faut faire attention. Tu dois faire ça, tu ne dois pas faire ci, te tenir comme ça... Comme un enfant guidé par sa mère. Par exemple, quand je prenais l'avion avec elle, c'était en costume-cravate. J'ai quand-même fait tous les vols avec 12h en cravate... Mais je rentrais dans un style de vie. C'était fini la Nouvelle Calédonie où j'étais en claquettes et en short ! C'est donc en février 1995 que j'ai découvert la rigueur et la rudesse des entrainements de Tenri.

On logeait dans la région de Tenrikyo. On a pris les 1ers contacts avec Shozu Fujii, qui était l’entraineur principal de Tenri, en passe d’être remplacé par Mazaki Sensei, avec comme professeur adjoint Shinjii Hosokawa. Lui est devenu un bon copain. Je l'ai invité à mon mariage quelques années plus tard, c'est aussi devenu un élève à qui je donnais des cours de français et le membre d’honneur de mon club !


SOUFFRIR

Les randori à Tenri n’ont pas été faciles. J’ai vu des gars très forts, dont j'ai subi la puissance, avec la dureté des tatamis qui malheureusement ont été changés. Je suis beaucoup tombé et j’aimais bien ces tatamis en paille qui arrivaient au niveau du plancher, même s’ils me faisaient souffrir. Il y avait aussi cette grande salle, l’ambiance, l’atmosphère, les bruits, tous ces Japonais... J’étais seul, il n’y avait pas d’étrangers. J’étais vraiment en immersion totale ! Ça n’a pas été facile. 

À l’époque quand j’y étais, il y avait un entrainement de 3h le matin et un autre l’après midi, tous les jours. Mais moi, je ne faisais qu’un entrainement par jour car lorsque j'ai essayé de faire les deux, j’étais trop fatigué. C’était d’une telle intensité ! Quand je rentrais chez moi, que je me retirais dans la chambre où on dormait par terre, à la japonaise, je m’écroulais, j’avais mal partout. J’ai aimé la dureté. C’était là mes premiers pas, mes balbutiements à Tenri.


L'ENTRAINEMENT

Les entrainements commençaient par un échauffement, plutôt gymnastique, digne d’un club du 3ème âge. Un judoka compte au ralenti, tout doucement, comme si chacun venait de se réveiller. On se serait cru dans un EHPAD.

Ensuite, ils se mettent debout, tout en souffrant, c’est tout un cinéma ! Puis, ils se mettent à faire les uchikiomi et là, tu vois comme ils se placent bien, comme ils tournent bien !

Enfin, ils lancent les randori.

Il n’y a donc pas de cours technique car on considère que c’est déjà acquis. Il faut savoir qu’au Japon, le judo est obligatoire à l’école, donc à l’université, ils sont tous ceinture noire et ont tous les bases techniques. D’autant que s’ils sont là, c’est qu’ils ont choisi de faire du judo, donc ça veut dire que depuis le collège, ils ont ce type d’entrainements quotidiens. Ils sont déjà conditionnés quand ils en sont à l’université !

Moi, je faisais donc 1h30 de randori tous les jours, sans arrêt. Le chrono électronique est lancé, 7 minutes avec 10 secondes entre chaque. Même si ce n’est pas très bien vu, on peut, si besoin, se reposer. Disons qu’en tant qu’étranger, on ne nous dit rien si on fait une pause. Les 3ème ou 4ème année peuvent aussi, éventuellement, se reposer. Mais les 1ère et 2ème année, ça ne passe pas. 


L'ÉPREUVE DU TATÉ : 1h30 DE RANDORI SANS PAUSE

Je me souviens d’une fois où j’ai été en Taté. C’est un mot qui veut dire « bouclier » en japonais. C’est ce qu’on utilisait pour protéger les forteresses. Donc sur un tatami, les taté, c’est un petit nombre de judokas que l’on met au milieu et qui enchainent tous les randori, avec d’autres judokas qui eux, se reposent entre les combats. Ce sont donc toujours des judokas frais, reposés qui invitent ceux, au milieu, en taté.

J’ai été Tate 3 fois au Japon. Durant 1h… et même la 3ème fois, durant 1h30 ! 88 minutes pour être exact. C’était très dur. Je me souviens que tous les Japonais, 1ère ou 2ème année, couraient sur moi pour m’inviter afin de ne pas se faire engueuler par leur coach. Ils savent qu’un étranger sera toujours moins fort qu’un Japonais, qu’ils ont donc moins de chance de se faire casser la gueule que par un 3ème année ! Parfois, j’en avais une dizaine qui couraient sur moi, je ne savais même pas qui choisir ! Et après, ils me rentraient dedans de façon à se faire bien voir par leur coach !


EN ROUTE VERS LE KODOKAN

Après Kyoto, Tenri, je suis allé à Tokyo, au Kodokan, en avril 95. C’est là que j’ai fait la connaissance de maitre Pelletier. Il n’était pas sur le tatami car il était haut-gradé, mais il regardait les entrainements avec ses bras droits, fidèles lieutenants, autour de lui. Et là, j'ai eu une épreuve extrêmement douloureuse...


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Un kimono pour passeport [Jean-Luc Barré : une vie dédiée au judo – Episodes 3]

Un kimono pour passeport [Jean-Luc Barré : une vie dédiée au judo – Episodes 3]

ÉPISODE 3 : "SE SERVIR DE SON KIMONO COMME D'UN PASSEPORT", LE GRAND DÉPART


"ET SI JE FORÇAIS MON DESTIN ?"


INTERNET DANS LA TÊTE

Un jour, je me retrouve à un repas de famille avec ma mère, mon frère, sa femme et ses enfants. Je dis à mon frère qu'ayant vu des photos de Tahiti, j'aimerais bien y aller. Ce sur quoi mon frère me répond que lui, s'il devait partir, ce serait en Nouvelle-Calédonie. Ça a trotté dans ma tête et pendant tout le repas je n'ai pensé qu'à ça.

Carte de la Nouvelle-Calédonie

À l'époque, il n'y avait pas d'internet pour immédiatement chercher des informations dans Google ! Mais l'internet était dans ma tête. Peut-être qu'il y a eu une déconnexion dans mon cerveau, il s'est passé quelque chose. En fait, dans la vie, quand on prend une décision, c'est un temps infime. Le lendemain, le lundi, je vais dans une agence de voyage et j'achète un billet. Deux semaines plus tard, c'était les vacances de Pâques, donc c’était parfait. Sans connaître, sans savoir rien du tout, je suis parti avec mon kimono.

DU JUDO AU COIN DE LA RUE

Quand je suis arrivé en Nouvelle-Calédonie, je ne connaissais personne, je ne savais pas où aller ni où dormir. Je me suis présenté à l'auberge de jeunesse, au-dessus de la cathédrale, parce que c'était l'endroit le moins cher ! J'étais dans une chambre de 6 je crois, un peu bizarre… Et le jour où j'arrive, je tombe sur une place où il y avait la poste et, à un angle, j'ai entendu du bruit comme du judo. Les portes étaient ouvertes : c’était un club de judo ! En plein centre ville, le JCC, Judo Club Calédonien. 

Une fille donnait les cours sans grande passion dans ce club. Je suis allé la voir pour lui demander où il y avait des clubs de judo et si je pouvais rencontrer les responsables. Elle m'a envoyé voir le président de la ligue de judo qui travaillait à l'hôpital. J'y suis allé le jour même ou le lendemain et il m'a invité à venir dans le club où il y avait tous ses enfants, à 30 km de Nouméa. Il était très fier de son professeur, un japonais, qui s'appelait Kinéo Hori et qui est devenu un très bon copain. 


POSTE DE CONSEILLER RÉGIONAL TECHNIQUE

Rapidement, ils m'ont demandé de faire des interventions. Et il se trouve qu’au même moment, il y avait un poste de Conseiller Technique Régional à prendre, parce que l'ancien avait démissionné. J'ai posé ma candidature, à côté de 4 ou 5 autres candidatures posées de France. Mais comme j'étais sur place et qu'ils me connaissaient, j'ai obtenu le poste.

Alors forcément, c’était l’autre bout du monde et avec l'eau bleue, c'était une carte postale... qui pouvait d'ailleurs piéger ! Mais il y avait tout ce qui me sortait de ce que je n’aimais pas de cette vie de banlieue parisienne. Je voulais aller dans un univers qui me convenait mieux et là, c'était ce que je voulais.


LES LARMES DE MAMAN

C’est comme ça que deux mois plus tard, le 28 juin, j'ai déménagé définitivement. J’ai démissionné de tous mes clubs, j’ai fermé mes assurances, vendu ma voiture… Je vendais tout et sous le regard de ma mère en pleurs, je suis parti !

Cela dit, je n'avais pas encore signé mon contrat, c’était tout de même un problème. J'avais quand même tout lâché et j’arrivais donc sans voiture, sans logement… Heureusement, la ligue calédonienne avait prévu un mois d'hébergement dans un motel, ce qui me laissait un temps pour me trouver un logement. Mais pour ça, ou même pour ouvrir un compte en banque, il fallait que j’ai le contrat ! Enfin tout a fini par se faire.

J'ai pris mes fonctions, employé par la province Sud. Je faisais des interventions dans les écoles, j'y allais avec la voiture de fonction, parfois loin, je me promenais pas mal. C'était assez intéressant et j'étais détaché pour la ligue de judo pour faire les entraînements. Avec ça, il y avait des déplacements en Australie, en Nouvelle-Zélande ; j'ai eu l'occasion d'aller à Melbourne pour faire un tournoi, l'Open du Victoria...


LE ZOREILLE

Parallèlement à mes fonctions, je m’entraînais beaucoup avec les judokas calédoniens. Je n'ai pas été si bien reçu que ça, parce que les Calédoniens ont une mentalité assez dure. En même temps, je prenais un poste que certains auraient voulu. Pour eux, j’étais un zoreille, ils ne me connaissaient pas. Et puis, comme j'ai été nommé par le président de la ligue, j'étais dans ses petits papiers et avec les querelles de clocher, les conflits internes, ceux qui ne l'aimaient pas, inévitablement, ne m'aimaient pas sans aucune raison. Du coup, quand il y avait des entraînements de ligue, même si je faisais des randori avec les gars, ils m'envoyaient leurs élèves pour me casser la gueule. 

Kineo Hori en Nouvelle Caledonie

Il y avait aussi Kinéo Hori, qui était le prof de Païta et qui faisait souvent venir des Japonais. Et par exemple, au moment où j'ai pris mes fonctions en juillet, il a fait venir une équipe de 8 Japonais, que des lourds de 120 ou 130 kg. Et bien évidemment, on m'attendait au virage. Il fallait que je fasse randori avec ces Japonais qui étaient quand même d'un haut niveau et lourds !! Sans compter les Calédoniens qui eux aussi m'attendaient au virage … Je me sentais seul, je n'avais pas d'amis, pas de famille, ça n'a pas été forcément sympa.


QUAND L'AMOUR S'EN MÊLE

Côté personnel, 4 jours après mon arrivée, j'ai rencontré celle qui aura été ma future femme : une Japonaise qui me dit... « j'habite à Paris ». Elle n'était pas du tout judokate, c'était une hôtesse de l'air d'Air France qui faisait des rotations  Paris-Tokyo /Tokyo-Noumea. Elle avait beaucoup aimé venir me voir en Nouvelle Calédonie mais elle n'a pas aimé l'ambiance du judo là-bas. Elle n'avait pas envie de venir vivre avec moi et l'amour, bête ou pas bête, m'a ramené sur Paris. On a plus les yeux tournés vers sa femme que vers sa carrière... J'aurais peut-être dû rester en Nouvelle Calédonie, je ne sais pas. J'y ai donc finalement passé 18 mois. Et après, je me suis tourné un peu côté Japon.


LE PUC DANS LA GRISAILLE DE PARIS


PAULETTE FOUILLET ET PIERRE GUICHARD

Kineo Hori en Nouvelle Caledonie

Quand je suis revenu à Paris, Paulette Fouillet, qui est malheureusement décédée, m’a apporté beaucoup. C'était une des profs de Levallois, un pilier de ce club. Elle m'a placé au PUC (Paris Université Club) qui venait juste d'ouvrir le nouveau stade Charlety, c’était en août 1994. Ce stade était tout beau, tout neuf, avec comme président Pierre Guichard. Ils avaient besoin d'un professeur de judo et Paulette Fouillet a dit beaucoup de bien de moi à Pierre Guichard. Après, ça n'a pas été facile. Je revenais de Nouvelle Calédonie, j'avais encore en tête l’eau bleue, les cocotiers… Et là, je me suis retrouvé au PUC avec l'austérité et la rigueur un peu excessive de Pierre Guichard, cet ancien DTN. Lui qui avait décroché un peu du judo pendant quelques années reprenait du galon en étant président d'un club de judo et il avait envie de prendre ça à bras le corps. Et Paulette m'a mis dessus …

ESSUYER LES PLÂTRES

Il y avait tout à faire, on partait vraiment de zéro. Pierre Guichard a insisté pour que je commence début septembre alors que les travaux du stade n'étaient pas terminés ! Comme on dit, vraiment dans les deux sens du terme, on a essuyé les plâtres ! Il y avait du plâtre partout, il n'y avait même pas tous les tatamis …

J'ai commencé à un élève, puis 2, puis c'est monté. Il faut dire qu’il y avait la beauté des installations, toute la cité universitaire en face, toute la publicité que Paulette Fouillet faisait … Ce n'est pas Jean-Luc Barré qui faisait venir le monde, les gens ne me connaissaient pas, mais ils venaient surtout pour les installations.

Et puis j'ai constitué une équipe, après un groupe, et j'ai fini par avoir 300, 350 élèves. Une fois, j'ai eu 60 élèves sur le tatami lors d’un cours adulte. En moyenne, on était toujours entre 35 et 40. Bien sûr, je faisais cours aux enfants aussi.


L'AMBIANCE PUC (PARIS UNIVERSITÉ CLUB)

Le PUC, c’était un peu un moulin, un peu tout et n'importe quoi. Ça allait de la ceinture blanche à la ceinture noire, il y en avait qui reprenaient le judo après avoir arrêté, d'autres qui étaient débutants complets, d'autres encore qui étaient compétiteurs et qui s'affirmaient en tant que compétiteurs, il y avait des judokas de niveau moyen… C’était tout ce mélange qu'il fallait brasser, et il fallait contenter tout le monde. En plus, je n'étais pas le patron, je ne pouvais pas donner ma ligne de conduite. Le judo que je voulais enseigner avec des mouvements un peu différents du mouvement académique fédéral, je voyais que ça ne plaisait pas. Ça plaisait aux élèves mais pas à ma hiérarchie. C’est le problème que j'ai connu au PUC. C’était un peu « tu es gentil, on t'aime bien, on reconnaît ta valeur, on te protège … mais en revanche tu fais ce qu'on veut. Et le jour où il y a des grandes manifestations, tu te recules un petit peu et nous, on se met en avant ». 

Mon ex-femme, qui avait pour ami Shozo Fujii, a réussi à le faire venir 2 fois avec  tout un groupe de profs du Kodokan. J'ai invité beaucoup de clubs, beaucoup d’élèves. Le jour de l'évènement, il y avait l'adjoint au maire du 13e, tout le Staff du PUC qui était là, etc … Et c'est vrai que c'est eux qui faisaient le discours, qui prenaient le cours en main, qui géraient toute la situation. Je n'avais qu'à me retirer, me reculer et à courber l’échine. Ce n’est pas grave, mais c’était l’esprit, voilà.


L'APPEL DU JAPON

À un moment, il y a eu une délégation du Kodokan qui est venue, une dizaine de professeurs. C'était tous des hauts gradés et Yamamoto m'a dit : "venez nous voir au Japon". Moi, entre mon retour de Nouvelle Calédonie en septembre 1994 et mon départ pour vivre au Japon en mars 1998, j'y étais déjà allé 27 fois. Et à chaque fois, en immersion.


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