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Alors que j'étais sur les tatamis japonais pour mon 1er Kangeiko au kodokan, je rencontre les cadets du Pôle Espoir de Nouvelle Calédonie et leur entraineur Fabrice Mathieu. Ils ont eu la gentillesse de bien vouloir répondre à mes quelques questions... Alors ? Les tatamis japonais quand on a 17 ans, ça se passe comment ?

FABRICE MATHIEU : LE SENS DU JUDO, C'EST LE IPPON

Une famille de judoka

Fabrice Mathieu, judoka en Nouvelle Calédonie

Je m’appelle Fabrice Mathieu, j’ai 54 ans et j’ai commencé le judo à l’âge de 5 ans. Je suis 6ème dan de judo de la fédération française de judo et 4ème dan du Kodokan. Ma famille actuelle est une famille de judokas : ma femme a fait les championnats du monde et les jeux olympiques, mon fils est en équipe de France et le deuxième pratique aussi le judo. Ça fait 24 ans que j’habite en Nouvelle-Calédonie.

Si peu de judokaS en Nouvelle-Calédonie !

En Océanie, le niveau du judo est vraiment très faible. On a très peu de concurrence et en Calédonie, les judokas sont au nombre total d’environ 1100 licenciés, du plus jeune au plus ancien. Cela fait donc très peu d’athlètes et il faut aller chercher ailleurs le volume d’entrainement et la confrontation que l’on n’a pas puisque nous avons une dizaine de clubs avec des stéréotypes toujours à peu près identiques.

À la recherche de volume d'entrainement

Depuis 2 ans, j’encadre le Pole Espoir Régional de Nouvelle-Calédonie qui est composé de 6 garçons et 1 fille. Depuis fin 2022, on a mis en place des objectifs individuels et pour les préparer, nous avons normalement deux sorties annuelles du territoire : une prévue sur les vacances en métropole où on a un gros volume d’entrainement et deux tournois de référence qui nous permettent de préparer les objectifs individuels, et un bloc de 3 semaines au Japon pendant les grandes vacances d’été.

Cette année, avec les difficultés rencontrées au niveau du judo calédonien, nous n’avons pas pu faire notre premier séjour en métropole au moins d’octobre. De ce fait, on a tout regroupé sur un mois complet, durant nos vacances scolaires, avec un séjour au Japon puis en France.

La valeur ajoutée du Japon

Il y a plusieurs raisons au fait de choisir le Japon.

Venir chercher ici la culture du judo : comprendre le judo

Déjà, le fait d’être tellement isolé en Océanie fait que la culture et la base judo ne sont pas assez assises pour les judokas. Il est même difficile pour certains judokas de devenir ceinture noire parce que le club n’est pas forcément motivé sur les grades par exemple.

Citation judo de Fabrice Mathieu

Note de Fabrice Mathieu : L’expression japonaise « ON KO CHI SHIN »「温故知新」signifie réellement « si vous voulez connaitre les choses nouvelles étudiez d’abord les anciennes ». Je vous invite donc à un retour aux sources.

 Donc on vient chercher ici la culture japonaise et la culture du judo pour comprendre le judo. C’est pour ça que nous faisons le Kangeiko.

Il y a une expression au Japon qui dit : « On Ko Chi Shin » ce qui veut dire marcher sur les traces du passé pour comprendre le présent*. Et ça, c’est important. Ils vivent le Kangeiko mais je leur explique pourquoi. Du temps de Jigoro Kano, le Kangeiko durait un mois complet avec 30 randoris par jour, fenêtres ouvertes. Il faut comprendre à quoi ça sert : à forger son corps et son mental et ne pas aller à la bagarre et faire du judo sportif. On vient donc chercher au Kodokan cet aspect à la fois ancien, culturel et aussi les bases du judo.

Travailler les bases du judo

Travailler à 4 mains, en posant les mains sur le kimono, ne pas faire uniquement du lâcher de garde, travailler sa posture et travailler les bases. Ensuite, comme on est là aussi pour être dans un volume de pratique et chercher à avoir un maximum de partenaires, on complète tous les jours avec un entrainement dans une high school (lycée) voire une université en fonction du niveau choisi. Et là, on va beaucoup plus travailler le profil droitier-gaucher, droitier-droitier, le kumite, comment préparer ses attaques, comment organiser son système judo, quelles sont les problématiques rencontrées, etc.

LES POINTS DE PROGRESSION : RETOURS POSITIFS

On a déjà fait un séjour l’an dernier de trois semaines et il y a des retours positifs. Déjà, ils savent chuter correctement, ce qui est la base. Ils connaissent toute la réglementation du Daï dojo (grand dojo) du Kodokan. Ils savent qu’à la fin d’un entrainement dans une high school, on se réunit et on va remercier le Sensei. Tous les protocoles, tout ce qui entoure la pratique et les valeurs du judo sont là, présents. Mais c'est sans leur dire en fait, ce n'est pas intéressant d’en parler... C'est plutôt intéressant de le voir !

NOURRIR SON PROJET JUDO

C’est comme ça qu’on a construit le projet avec mon fils qui est un peu leur grand frère, leur référence. Le principe, c’est de montrer que le plus important au départ, c’est d’élaborer leur judo : faire du judo dans toutes les directions, du judo propre qui va les amener plus tard à être performant. 

Citation judo de Fabrice Mathieu

La compétition, ça va se régler après sur un travail cardio, physique, technico-tactique qui est du rôle de l’entraineur de haut niveau. Mais sans une grande base judo, c’est difficile après de faire tomber proprement et de ne pas gagner que sur des pénalités. Je pense que le sens du judo, c’est le ippon quand même… il faut garder cette valeur-là, c’est une valeur sûre… Et puis c’est vraiment le plaisir du judo que de faire tomber l’autre !

Être entraineur... et toujours judoka.

Quand ơn vit depuis plusieurs années sur le tapis, on a besoin du tapis. C’est un besoin. Ce qu’on recherche au Japon, en dehors du fait que quand on est blessé c’est parfois un peu difficile de monter sur le tapis, ce sont les sensations... Cette recherche de continuer à progresser dans son propre judo et que ça ne soit pas quelque chose extérieure à nous, mais au contraire, intériorisée. C'est une pratique très intéressante qui est importante à long terme en fait. Et c’est une richesse au Japon parce qu’on peut faire du judo souple en déplacement, sans être tout le temps broyé sur du physique. C’est pour ça que c’est toujours agréable de faire du judo au Japon.

Progresser toute sa vie

Je suis tout le temps insatisfait, à la fois des athlètes et à la fois de moi-même. C’est ce qui fait avancer dans le projet individuel. Donc il faut toujours arriver à se perfectionner, perfectionner sa technique, son tokui waza, sa manière d’appréhender l’approche du kumite... On apprend tous les jours !

Citation judo de Fabrice Mathieu

Le judo est fait de changement de rythmes et de distances et le timing est très important. Si on ne construit pas ça sur les uchikomi avec ensuite le fait de le mettre en place sur les nagekomi, le randori, le kakari geiko ou le yaku suku geiko, c’est sûr que c’est difficile, ensuite, pour le corps d'enregistrer ces changements de rythmes et d’appuis et de poids de corps. C’est par les uchikomi que c’est possible. 

Mais attention, il y a une multitude d’uchikomi, pas uniquement les classiques en statique. Il faut passer par toutes les étapes d’uchikomi et c’est ce que je suis en train de voir avec eux ici. On peut faire de l’uchikomi par rapport à son système d’attaque par exemple, ce qu’on fait dans les high school... C’est très intéressant.

PONOVE FALEVALU  : PAROLE DE SENPAÏ

Le judoka ponove Falevalu de Nouvelle Calédonie en séjour judo au Japon

Je m’appelle Ponove Falevalu, je suis un judoka de la Nouvelle-Calédonie et j’ai 17 ans, c’est donc ma 1ère année junior. Je suis le Senpaï* de ce groupe, c’est à dire que je suis le plus vieux et aussi le plus grand d’entre eux. Comme c’est la troisième fois que je viens au Japon et que, pour la plupart, c’est la première ou deuxième fois, on peut dire qu’ils me voient comme un Sempai. C’est plus pour jouer le rôle du grand frère on va dire, vu que la petite bande, c’est comme un genre de famille.

Citation judo

Ce que j’aime dans le judo, c’est l’état d’esprit quand tu combats et quand tu rentres dans un dojo en fait. Lorsque je salue, il y a tout mon monde qui change en fait. Je ne pense plus au monde extérieur mais plutôt à ce qui se passe sur le tatami et c’est ça que j’aime bien.

Ici au Japon, il y a vraiment une grosse différence avec la Nouvelle-Calédonie. Chez nous, on n’a pas un gros effectif qui pratique le judo alors qu’ici, on a toutes les catégories et partout où on va, il y a au moins 20 voire 30 licenciés dans toutes les universités. 

En terme de cours, vu qu’on a Fabrice Mathieu comme coach, je pense qu’il n’y a pas grand chose qui change. Il nous a déjà dit tout ce qu’il savait sur le Japon et le judo et on retrouve les mêmes choses ici. Quand il nous dit des choses en Nouvelle-Calédonie, on ne fait pas trop attention mais en arrivant ici, on voit que c’est vrai… !

À chaque fois qu’on vient au Japon, on a l’impression qu’on progresse tous. Même par rapport à nos sorties dans d’autres pays, c’est vraiment au Japon qu’on progresse le plus, surtout dans notre judo de base. Ici, on est plus sur une garde classique plutôt que sur une garde compétitive et c’est ça qui montre que tu progresses beaucoup. 

Citation judo

Quand tu fais face à un mec qui est compétiteur et que tu arrives à lui tenir tête en garde classique, que même sans utiliser la garde compétitive, tu arrives au moins à faire 50-50, alors tu te dis que tu progresses.

Pour être un bon judoka, le secret, ce sont les nagekomi. Je l’ai appris hier. Pour être fort, il faut savoir chuter, savoir faire des nagekomi, être un bon uke et un bon tori.

Note de Fabrice Mathieu : « SENPAI » 先輩 peut être traduit par l’ancien, l’ainé : 先 SEN = avant, devant, d'abord - 輩 PAI = camarade, compagnon. Le premier KANJI 先 est le même que dans SENSEI 先生 littéralement celui qui est né avant que l’on traduit par professeur.

MAASI FALEVALU : TOUJOURS UN OBJECTIF.

Le judoka FALEVALU Maasi de Nouvelle Calédonie en séjour judo au Japon

Je m’appelle Maasi Falevalu , j’ai 16 ans et je pratique le judo depuis que j’ai 4 ans. Ce que j’aime dans le judo, c’est dépasser mes limites et surtout garder la forme grâce aux entrainements. Dès que je n’ai pas ma dose, mon corps ne réagit pas pareil donc le judo est essentiel pour moi.

C’est ma 3ème fois au Japon et ce qui est vraiment spécial ici, c’est la mentalité. Ce n’est pas pareil qu’en France ou en Nouvelle-Calédonie. Le judo est plus traditionnel et souple par rapport à la France où c’est plus physique. Du coup, ça permet d’échanger sur le « vrai judo » ou disons plutôt le « judo japonais ». Cela ne m’apporte pas forcément grand chose en tant que compétiteur mais ça me permet quand même de varier mon travail sur les approches, les uchikomi, mes placements… 

Ce qui fait vraiment progresser d'après moi, c’est de toujours avoir un objectif. Ça ne sert à rien de travailler sans objectif parce que mille fois zéro, ça fera toujours zéro. Par exemple, pour cette année, mon objectif c’est les championnats de France 1ère division donc je m’entraine le plus possible pour avoir les capacités d'y participer.

ASHLEY SUTA DIT SAPONIA : AVOIR UN SYSTÈME D'ATTAQUE PRÉCIS POUR ÊTRE EFFICACE

La judokate Ashley, dit SAPONIA, de nouvelle calédonie, en séjour judo au Japon

Je m’appelle Ashley Suta dit Saponia et je vais avoir 18 ans cette année. Cela fait 7 ans que je pratique le judo. J’ai commencé, au début, pour le loisir et après, je suis entrée dans une structure un peu plus avancée et la compétition m’a plu. Aujourd’hui, on est au Japon et ça fait plaisir car ça nous permet de nous améliorer et avoir autre chose que le judo occidental. 

Pour moi, si je viens ici, c'est pour m’améliorer. La première chose que j’ai vue ici, c’est qu’ils sont simples mais efficaces alors que souvent, nous, on met la force, on monte la garde haut… Ça me fait évoluer de travailler comme ça. Mais dans mon pays, je suis la seule fille et je ne travaille qu’avec des garçons donc mes habitudes reviennent vite... Je n’ai pas forcément beaucoup de partenaires pour pouvoir remettre en place ce que j’ai appris donc j’essaye de faire comme je peux, avec ce que j’ai. 

Citation judo

Ce que je vais vraiment retenir de ce séjour, c’est ma garde et avoir un système d’attaque, c’est important. Ne pas faire le judo juste pour faire mais avoir un système précis pour être efficace.

Pour moi, le détail qui peut tout changer, c’est de savoir être concentré et avoir du plaisir à apprendre, à faire, c’est important car si tu fais sans le plaisir, tu vas faire juste pour faire et ça va te mener à rien.

GABRIEL JAN : ÊTRE CARRÉ DANS SA TÊTE ET DANS SON JUDO

Gabriel Jan, judoka de nouvelle calédonie en séjour judo au Japon

Moi, je suis Gabriel Jan, je suis Calédonien, je suis au Pôle Espoirs depuis 2 ans et je l’ai intégré pour essayer de progresser au niveau du judo.
Ce que j’aime dans le judo, c’est que même si on le considère comme un sport individuel, pour moi c’est un sport collectif, on se fait beaucoup d’amis. J’en fais depuis que je suis petit et c’est en moi depuis tout ce temps là.

C’est mon premier séjour au Japon et ce que j’ai aimé, c’est la discipline dans les entrainements japonais comparés aux entrainements français ou de Nouvelle-Calédonie qui sont plus éparpillés. Les entrainements sont plus longs aussi. En Nouvelle-Calédonie, tu peux faire des entrainements de 2h ou maximum 2h30 alors qu’ici, tu peux facilement faire 3h, 3h30 ou 4h. On en a fait dans des lycées et ça travaille plus le mental. Mais ça peut être fatigant à la longue parce que les entrainements sont plus difficiles et si jamais on ne se repose pas assez et qu’on ne gère pas bien nos efforts, on peut vite se retrouver épuisés. Donc même si le Japon est un pays très touristique où l'on peut visiter plein de choses, on n’a pratiquement rien visité parce qu’on a priorisé le repos, dormir, bien manger, bien s’hydrater etc.

Citation judo

Le côté discipline et organisé que je vois ici, je pense que c’est important. Vu qu’ils sont très carrés, très "Japonais", ça les aide à avoir un schéma structuré, par exemple sur la rigueur du kumikata. Vu qu’ils sont carrés dans leur tête, ça les aide à être carrés dans leur judo....

Citation judo

J’ai l’impression d’avoir beaucoup progressé sur ce séjour, surtout sur le kumikata parce que les Japonais sont très forts sur ce point, ce n’est pas du tout comme les Français qui sont très « brutes » si on peut dire. Les Japonais sont beaucoup plus souples mais très forts, ils utilisent bien leur poids. C’est la plus grosse différence, je trouve, avec le judo français. Ce n'est pas évident à faire, j’ai beaucoup galéré !

À mon avis, le plus important, c'est de ne pas faire d’overdose du judo. Faire du judo à une dose où l'on aime toujours faire du judo et ne pas faire de surdose parce que ça serait dommage de gâcher un si bon sport en faisant juste une surdose parce qu’on a mal géré nos efforts.


REMERCIEMENTS

Un grand merci à toute l'équipe de Nouvelle Calédonie et à leur entraineur Fabrice Mathieu pour leur temps ! Bonne route à vous 👊🏽🥋 et à bientôt sur les tatami !

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