ÉPISODE 3 : "SE SERVIR DE SON KIMONO COMME D'UN PASSEPORT", LE GRAND DÉPART


"ET SI JE FORÇAIS MON DESTIN ?"


INTERNET DANS LA TÊTE

Un jour, je me retrouve à un repas de famille avec ma mère, mon frère, sa femme et ses enfants. Je dis à mon frère qu'ayant vu des photos de Tahiti, j'aimerais bien y aller. Ce sur quoi mon frère me répond que lui, s'il devait partir, ce serait en Nouvelle-Calédonie. Ça a trotté dans ma tête et pendant tout le repas je n'ai pensé qu'à ça.

Carte de la Nouvelle-Calédonie

À l'époque, il n'y avait pas d'internet pour immédiatement chercher des informations dans Google ! Mais l'internet était dans ma tête. Peut-être qu'il y a eu une déconnexion dans mon cerveau, il s'est passé quelque chose. En fait, dans la vie, quand on prend une décision, c'est un temps infime. Le lendemain, le lundi, je vais dans une agence de voyage et j'achète un billet. Deux semaines plus tard, c'était les vacances de Pâques, donc c’était parfait. Sans connaître, sans savoir rien du tout, je suis parti avec mon kimono.

DU JUDO AU COIN DE LA RUE

Quand je suis arrivé en Nouvelle-Calédonie, je ne connaissais personne, je ne savais pas où aller ni où dormir. Je me suis présenté à l'auberge de jeunesse, au-dessus de la cathédrale, parce que c'était l'endroit le moins cher ! J'étais dans une chambre de 6 je crois, un peu bizarre… Et le jour où j'arrive, je tombe sur une place où il y avait la poste et, à un angle, j'ai entendu du bruit comme du judo. Les portes étaient ouvertes : c’était un club de judo ! En plein centre ville, le JCC, Judo Club Calédonien. 

Une fille donnait les cours sans grande passion dans ce club. Je suis allé la voir pour lui demander où il y avait des clubs de judo et si je pouvais rencontrer les responsables. Elle m'a envoyé voir le président de la ligue de judo qui travaillait à l'hôpital. J'y suis allé le jour même ou le lendemain et il m'a invité à venir dans le club où il y avait tous ses enfants, à 30 km de Nouméa. Il était très fier de son professeur, un japonais, qui s'appelait Kinéo Hori et qui est devenu un très bon copain. 


POSTE DE CONSEILLER RÉGIONAL TECHNIQUE

Rapidement, ils m'ont demandé de faire des interventions. Et il se trouve qu’au même moment, il y avait un poste de Conseiller Technique Régional à prendre, parce que l'ancien avait démissionné. J'ai posé ma candidature, à côté de 4 ou 5 autres candidatures posées de France. Mais comme j'étais sur place et qu'ils me connaissaient, j'ai obtenu le poste.

Alors forcément, c’était l’autre bout du monde et avec l'eau bleue, c'était une carte postale... qui pouvait d'ailleurs piéger ! Mais il y avait tout ce qui me sortait de ce que je n’aimais pas de cette vie de banlieue parisienne. Je voulais aller dans un univers qui me convenait mieux et là, c'était ce que je voulais.


LES LARMES DE MAMAN

C’est comme ça que deux mois plus tard, le 28 juin, j'ai déménagé définitivement. J’ai démissionné de tous mes clubs, j’ai fermé mes assurances, vendu ma voiture… Je vendais tout et sous le regard de ma mère en pleurs, je suis parti !

Cela dit, je n'avais pas encore signé mon contrat, c’était tout de même un problème. J'avais quand même tout lâché et j’arrivais donc sans voiture, sans logement… Heureusement, la ligue calédonienne avait prévu un mois d'hébergement dans un motel, ce qui me laissait un temps pour me trouver un logement. Mais pour ça, ou même pour ouvrir un compte en banque, il fallait que j’ai le contrat ! Enfin tout a fini par se faire.

J'ai pris mes fonctions, employé par la province Sud. Je faisais des interventions dans les écoles, j'y allais avec la voiture de fonction, parfois loin, je me promenais pas mal. C'était assez intéressant et j'étais détaché pour la ligue de judo pour faire les entraînements. Avec ça, il y avait des déplacements en Australie, en Nouvelle-Zélande ; j'ai eu l'occasion d'aller à Melbourne pour faire un tournoi, l'Open du Victoria...


LE ZOREILLE

Parallèlement à mes fonctions, je m’entraînais beaucoup avec les judokas calédoniens. Je n'ai pas été si bien reçu que ça, parce que les Calédoniens ont une mentalité assez dure. En même temps, je prenais un poste que certains auraient voulu. Pour eux, j’étais un zoreille, ils ne me connaissaient pas. Et puis, comme j'ai été nommé par le président de la ligue, j'étais dans ses petits papiers et avec les querelles de clocher, les conflits internes, ceux qui ne l'aimaient pas, inévitablement, ne m'aimaient pas sans aucune raison. Du coup, quand il y avait des entraînements de ligue, même si je faisais des randori avec les gars, ils m'envoyaient leurs élèves pour me casser la gueule. 

Kineo Hori en Nouvelle Caledonie

Il y avait aussi Kinéo Hori, qui était le prof de Païta et qui faisait souvent venir des Japonais. Et par exemple, au moment où j'ai pris mes fonctions en juillet, il a fait venir une équipe de 8 Japonais, que des lourds de 120 ou 130 kg. Et bien évidemment, on m'attendait au virage. Il fallait que je fasse randori avec ces Japonais qui étaient quand même d'un haut niveau et lourds !! Sans compter les Calédoniens qui eux aussi m'attendaient au virage … Je me sentais seul, je n'avais pas d'amis, pas de famille, ça n'a pas été forcément sympa.


QUAND L'AMOUR S'EN MÊLE

Côté personnel, 4 jours après mon arrivée, j'ai rencontré celle qui aura été ma future femme : une Japonaise qui me dit... « j'habite à Paris ». Elle n'était pas du tout judokate, c'était une hôtesse de l'air d'Air France qui faisait des rotations  Paris-Tokyo /Tokyo-Noumea. Elle avait beaucoup aimé venir me voir en Nouvelle Calédonie mais elle n'a pas aimé l'ambiance du judo là-bas. Elle n'avait pas envie de venir vivre avec moi et l'amour, bête ou pas bête, m'a ramené sur Paris. On a plus les yeux tournés vers sa femme que vers sa carrière... J'aurais peut-être dû rester en Nouvelle Calédonie, je ne sais pas. J'y ai donc finalement passé 18 mois. Et après, je me suis tourné un peu côté Japon.


LE PUC DANS LA GRISAILLE DE PARIS


PAULETTE FOUILLET ET PIERRE GUICHARD

Kineo Hori en Nouvelle Caledonie

Quand je suis revenu à Paris, Paulette Fouillet, qui est malheureusement décédée, m’a apporté beaucoup. C'était une des profs de Levallois, un pilier de ce club. Elle m'a placé au PUC (Paris Université Club) qui venait juste d'ouvrir le nouveau stade Charlety, c’était en août 1994. Ce stade était tout beau, tout neuf, avec comme président Pierre Guichard. Ils avaient besoin d'un professeur de judo et Paulette Fouillet a dit beaucoup de bien de moi à Pierre Guichard. Après, ça n'a pas été facile. Je revenais de Nouvelle Calédonie, j'avais encore en tête l’eau bleue, les cocotiers… Et là, je me suis retrouvé au PUC avec l'austérité et la rigueur un peu excessive de Pierre Guichard, cet ancien DTN. Lui qui avait décroché un peu du judo pendant quelques années reprenait du galon en étant président d'un club de judo et il avait envie de prendre ça à bras le corps. Et Paulette m'a mis dessus …

ESSUYER LES PLÂTRES

Il y avait tout à faire, on partait vraiment de zéro. Pierre Guichard a insisté pour que je commence début septembre alors que les travaux du stade n'étaient pas terminés ! Comme on dit, vraiment dans les deux sens du terme, on a essuyé les plâtres ! Il y avait du plâtre partout, il n'y avait même pas tous les tatamis …

J'ai commencé à un élève, puis 2, puis c'est monté. Il faut dire qu’il y avait la beauté des installations, toute la cité universitaire en face, toute la publicité que Paulette Fouillet faisait … Ce n'est pas Jean-Luc Barré qui faisait venir le monde, les gens ne me connaissaient pas, mais ils venaient surtout pour les installations.

Et puis j'ai constitué une équipe, après un groupe, et j'ai fini par avoir 300, 350 élèves. Une fois, j'ai eu 60 élèves sur le tatami lors d’un cours adulte. En moyenne, on était toujours entre 35 et 40. Bien sûr, je faisais cours aux enfants aussi.


L'AMBIANCE PUC (PARIS UNIVERSITÉ CLUB)

Le PUC, c’était un peu un moulin, un peu tout et n'importe quoi. Ça allait de la ceinture blanche à la ceinture noire, il y en avait qui reprenaient le judo après avoir arrêté, d'autres qui étaient débutants complets, d'autres encore qui étaient compétiteurs et qui s'affirmaient en tant que compétiteurs, il y avait des judokas de niveau moyen… C’était tout ce mélange qu'il fallait brasser, et il fallait contenter tout le monde. En plus, je n'étais pas le patron, je ne pouvais pas donner ma ligne de conduite. Le judo que je voulais enseigner avec des mouvements un peu différents du mouvement académique fédéral, je voyais que ça ne plaisait pas. Ça plaisait aux élèves mais pas à ma hiérarchie. C’est le problème que j'ai connu au PUC. C’était un peu « tu es gentil, on t'aime bien, on reconnaît ta valeur, on te protège … mais en revanche tu fais ce qu'on veut. Et le jour où il y a des grandes manifestations, tu te recules un petit peu et nous, on se met en avant ». 

Mon ex-femme, qui avait pour ami Shozo Fujii, a réussi à le faire venir 2 fois avec  tout un groupe de profs du Kodokan. J'ai invité beaucoup de clubs, beaucoup d’élèves. Le jour de l'évènement, il y avait l'adjoint au maire du 13e, tout le Staff du PUC qui était là, etc … Et c'est vrai que c'est eux qui faisaient le discours, qui prenaient le cours en main, qui géraient toute la situation. Je n'avais qu'à me retirer, me reculer et à courber l’échine. Ce n’est pas grave, mais c’était l’esprit, voilà.


L'APPEL DU JAPON

À un moment, il y a eu une délégation du Kodokan qui est venue, une dizaine de professeurs. C'était tous des hauts gradés et Yamamoto m'a dit : "venez nous voir au Japon". Moi, entre mon retour de Nouvelle Calédonie en septembre 1994 et mon départ pour vivre au Japon en mars 1998, j'y étais déjà allé 27 fois. Et à chaque fois, en immersion.


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