ÉPISODE 4 : LES ANNÉES JAPON, EN IMMERSION TOTALE


CONNAITRE LE JAPON PAR L'IMMERSION


HABITER AU JAPON ET VIVRE LE QUOTIDIEN

Les 27 fois où je suis allé au Japon, j'étais dans la vraie vie japonaise grâce à ma femme. Je ne partais pas avec un groupe en auberge de jeunesse. Je parlais déjà un petit peu la langue et je pensais que je connaissais le Japon. En fait, non. Je me suis rendu compte que le Japon, on le connaît quand on commence à y vivre. Lorsqu'il faut louer un appartement, prendre les transports, faire réparer sa moto, payer son loyer, son électricité, etc. Il a fallu que je travaille, c'était vraiment l'immersion totale ! C'est là que je me suis rendu compte que je ne connaissais pas le Japon.

Il y a beaucoup de gens qui partent au Japon et s'affichent comme des connaisseurs du Japon, mais non. Même s'ils y vont 10, 20 fois... Ils ne parlent pas bien la langue, n'y ont jamais travaillé, n'ont pas vécu vraiment là-bas.


AFFRONTER TOUTES LES SITUATIONS

Un pays, pour en être imprégné, il faut quand même y passer du temps et vivre une multitude de situations. Par exemple, parfois j'avais des soirées avec des japonais, nous mangions et discutions en japonais, je buvais de la bière... Et même quand la tête commençait à tourner un peu, il fallait continuer à parler japonais ! 

J'ai eu de la chance parce que j'ai commencé à travailler dans un restaurant comme serveur. Or personne ne parlait ni français ni anglais, donc c'était une première épreuve. Ce n'était pas facile d'interagir avec les clients, de répondre à leurs besoins !


SE DÉCOUVRIR CAPABLE DE PARLER JAPONAIS

Ensuite, je suis devenu prof de français chez Berlitz. Ce n'était pas forcément intéressant, j'avais plus l'impression d'être un perroquet parlant qu'autre chose, mais c'était rigolo. Comme je faisais partie du personnel, j’avais le droit d'avoir des cours de langue à un prix très intéressant, j'avais juste la commission du professeur à donner, Berlitz ne touchant rien et mettant les locaux à notre disposition.


Kineo Hori en Nouvelle Caledonie

C'est comme ça que j'ai pris des cours de japonais. Par chance, je suis tombé sur un prof très sympa qui était un ancien judoka ! Il a été très subtil et très intelligent dans sa manière d'enseigner car, voyant que j'aimais le judo, il a décidé de m'enseigner le japonais en construisant des conversations autour du judo, sur les mots que je connaissais. Il me faisait répéter plusieurs fois les mêmes phrases, me posait des questions pour je réponde par l'affirmative... Puis il me les posait pour que je réponde de manière différente, en ajoutant à chaque fois des éléments différents autour du judo. Il aurait pu prendre n'importe quel thème ! Mon niveau de japonais a grimpé... C'est comme si tous les mots que j'avais appris bêtement par cœur, qui ne ressortaient pas, avaient pris place dans les phrases. Une logique de phrase s'est mise en place et tout ce que j'avais appris avant, qui ne faisait même pas partie des cours avec ce monsieur, prenait place.

J'ai commencé à parler et je me suis dit que c'était merveilleux. Je me suis rendu compte que je pouvais avoir des conversations avec des Japonais. J'étais très content de moi parce que je ne pensais pas que j'étais un idiot, mais je me croyais incapable d'apprendre une langue...


UN PREMIER VOYAGE AU JAPON... SANS JUDO

Juste avant de quitter la Nouvelle-Calédonie, on avait convenu, avec ma femme, de faire mon déménagement à l'occasion d'une de ses rotations, c'est à dire en passant par le Japon. C'était donc la première fois que j'y allais. Elle m'a présenté ses parents qui m'ont invité dans un très bon restaurant ; ils m'ont offert un très beau yukata... Elle m'a fait visiter Tokyo, mais là je n'ai pas pu faire de judo. Puis, il y a eu la rentrée scolaire, le PUC, la rencontre avec Paulette Fouillet qui ne m'a pas laissé respirer, Pierre Guichard qui m'avait reçu dans son bureau, d'un air très austère avec la pluie derrière sa fenêtre... Là, l'eau bleue, les cocotiers, c'était fini. Je n'avais plus la même carte postale ! Lorsque Pierre Guichard m'a demandé de donner des cours pendant les vacances scolaires, je lui ai dit que je ne pouvais pas parce que pendant les vacances, j'allais au Japon. Il a accepté parce que le Japon était le pays du judo, mais j'ai senti que ce n'était pas facile !


DU JUDO À KYOTO

Comme ma femme avait des rotations sur Osaka, dans la région du Kansaï, je suis allé faire du judo à l'université de Kyoto. Ce fut ma première mise en tenue, en judogi, au Japon. Je suis tombé dans un club universitaire très sympa, pas forcément un niveau très fort mais ils faisaient bien le judo. Ils m'ont très bien accueilli et m'ont même demandé de montrer une technique. Je n'avais pas trop envie mais je leur ai montré morote otoshi. Ils étaient très contents ! Ils sont très bon public les Japonais ! Même s'ils font judo mieux que moi, ils ont cette gentillesse et cette délicatesse d'être bon public, d'ouvrir leur esprit et d'ouvrir leur curiosité. J'ai dû faire 2 ou 3 entrainements avec eux, ça s'est très très bien passé, et après on est revenus à Paris.

Carte du Japon, région d'Osaka


DE LA FRANCE AU JAPON : RÉFLEXION SUR LE JUDO


LE JUDO JAPONAIS : DANS LES POIGNETS !

Il faut savoir que ma manière de faire du judo convenait bien au Japon. Moi, j'ai eu une formation de judo classique puis, sur ce judo de base, j'ai essayé de devenir fort en faisant de la compétition, avec quand même une forme de corps, une manière de se tenir qui était assez droite. Ce qui m'a surpris au Japon, ce n'est pas la manière de se tenir mais plutôt la solidité du ventre et des hanches. 

Citation judo de Jean-Luc Barré

Et surtout, c'est qu'ils faisaient judo beaucoup avec les poignets. On sent que ce sont des capteurs et par les poignets, ils arrivent à sentir le partenaire. Ils font des appels ce qui leur permet de faire des changements de rythme, de sentir les transferts du poids du partenaire et de sentir à quel moment ils doivent ouvrir et rentrer. Il y a vraiment ce jeu de bras et ce jeu de poignets que je ne connaissais pas. C'est à la fois flexible et tonique. Il y a vraiment une tenue du corps, une attitude générale. On sent qu'ils n'ont pas négligé la base. Peut-être qu'ils ont appris les principes de base du judo sous la contrainte, mais ils les ont vraiment très bien appris. 

Je n'avais pas non plus les défenses que les Japonais ont. Je les ai travaillées. Egalement dans la manière d'amener les mouvements qui est extrêmement efficace et explosive. Il me manquait cette explosivité quand je suis arrivé. Mais j'avais cette base du judo qui me permettait de me faire plaisir et de les comprendre. Le champs était libre pour que je puisse progresser.


UN PARCOURS QUI S'ENRICHIT DU JUDO JAPONAIS

En fait, si je reprends mon parcours de judoka, j'ai eu 3 tendances. D'abord, au début, la tendance du vieux collège des ceintures noires avec M. Correa et mon professeur. C'était un judo d'aspiration, de sensations du corps, de placement, d'études, de recherche, de feeling judo. Après, il y a la période compétition, notamment à Levallois où là, on ne faisait pas dans la dentelle ! C'était de la compétition pure et dure, ce qui me faisait aussi du bien parce que cette base de judo que j'avais, il fallait bien que je la mette en application. Et c'est ça le plus dur. Et enfin, le judo japonais. Là, c'était un peu un mixte de tout ça, avec le côté culturel qui est très fort dans le judo japonais. Ils ont aussi une manière d'apprendre, de penser la technique très différente de la manière qu'on a, en France, d'analyser les techniques. Eux, c'est un peu l'esprit "2+2 = 4". Ils apprennent les techniques avec des gestes clairs : "d'abord ici, ensuite là, et puis ça". Mais il n'y a pas cette fluidité du corps que j'ai pu apprendre dans l'école Correa où on recherchait toujours a être très flexible. Au contraire, il y avait une certaine rigidité, tonicité, avec des gestes simples et très efficaces.

Quand on met tout ça en relief, il faut réfléchir pour essayer de trouver un point commun à tout pour créer sa propre identité judo. C'est pas toujours facile mais c'est ce que j'ai voulu faire : prendre le meilleur des trois. Et surtout, essayer de l'adapter sur beaucoup de mouvements.


L'EXIGENCE D'ENSEIGNER TOUS LES MOUVEMENTS

Travailler tous les mouvements, ce n'est pas forcément pour les faire en randori mais, en tant que professeur de judo, on se doit d'enseigner tous les mouvements. Il faut donc un principe de compréhension du mouvement qu'on doit essayer d'appliquer. Et il y a beaucoup de mouvements dans le judo ! On ne peut pas enseigner toute une année o soto gari, harai goshi ou uchimata. Bien sûr, j'aime ces techniques comme beaucoup de monde, mais je ne peux pas montrer que ça toute l'année ! Il faut savoir varier ! Montrer les sutemi, les contres, des mouvements comme ko soto gake, qui n'est pas une technique facile... Il faut aussi être capable de savoir démontrer un judo pour les lourds. Moi je suis un léger, et une technique ne va pas être entrée pareil quand on est léger que lorsqu'on est lourd. Et pour ça, il faut prendre des risques, il faut se démener.

Citation judo de Jean Luc Barré

L'AVENTURE TENRI


SE PRÉPARER POUR ALLER À TENRI

Ma femme savait combien j'avais envie d'aller à Tenri dont j'avais tellement entendu parler. Elle m'a dit "écoute, je crois que c'est dur mais si tu en as tellement envie, ça va être dur pour toi, mais je pense que ça te fera du bien." Elle m'avait donc conditionné, mis à la page. Parce qu'au Japon, il faut faire attention. Tu dois faire ça, tu ne dois pas faire ci, te tenir comme ça... Comme un enfant guidé par sa mère. Par exemple, quand je prenais l'avion avec elle, c'était en costume-cravate. J'ai quand-même fait tous les vols avec 12h en cravate... Mais je rentrais dans un style de vie. C'était fini la Nouvelle Calédonie où j'étais en claquettes et en short ! C'est donc en février 1995 que j'ai découvert la rigueur et la rudesse des entrainements de Tenri.

On logeait dans la région de Tenrikyo. On a pris les 1ers contacts avec Shozu Fujii, qui était l’entraineur principal de Tenri, en passe d’être remplacé par Mazaki Sensei, avec comme professeur adjoint Shinjii Hosokawa. Lui est devenu un bon copain. Je l'ai invité à mon mariage quelques années plus tard, c'est aussi devenu un élève à qui je donnais des cours de français et le membre d’honneur de mon club !


SOUFFRIR

Les randori à Tenri n’ont pas été faciles. J’ai vu des gars très forts, dont j'ai subi la puissance, avec la dureté des tatamis qui malheureusement ont été changés. Je suis beaucoup tombé et j’aimais bien ces tatamis en paille qui arrivaient au niveau du plancher, même s’ils me faisaient souffrir. Il y avait aussi cette grande salle, l’ambiance, l’atmosphère, les bruits, tous ces Japonais... J’étais seul, il n’y avait pas d’étrangers. J’étais vraiment en immersion totale ! Ça n’a pas été facile. 

À l’époque quand j’y étais, il y avait un entrainement de 3h le matin et un autre l’après midi, tous les jours. Mais moi, je ne faisais qu’un entrainement par jour car lorsque j'ai essayé de faire les deux, j’étais trop fatigué. C’était d’une telle intensité ! Quand je rentrais chez moi, que je me retirais dans la chambre où on dormait par terre, à la japonaise, je m’écroulais, j’avais mal partout. J’ai aimé la dureté. C’était là mes premiers pas, mes balbutiements à Tenri.


L'ENTRAINEMENT

Les entrainements commençaient par un échauffement, plutôt gymnastique, digne d’un club du 3ème âge. Un judoka compte au ralenti, tout doucement, comme si chacun venait de se réveiller. On se serait cru dans un EHPAD.

Ensuite, ils se mettent debout, tout en souffrant, c’est tout un cinéma ! Puis, ils se mettent à faire les uchikiomi et là, tu vois comme ils se placent bien, comme ils tournent bien !

Enfin, ils lancent les randori.

Il n’y a donc pas de cours technique car on considère que c’est déjà acquis. Il faut savoir qu’au Japon, le judo est obligatoire à l’école, donc à l’université, ils sont tous ceinture noire et ont tous les bases techniques. D’autant que s’ils sont là, c’est qu’ils ont choisi de faire du judo, donc ça veut dire que depuis le collège, ils ont ce type d’entrainements quotidiens. Ils sont déjà conditionnés quand ils en sont à l’université !

Moi, je faisais donc 1h30 de randori tous les jours, sans arrêt. Le chrono électronique est lancé, 7 minutes avec 10 secondes entre chaque. Même si ce n’est pas très bien vu, on peut, si besoin, se reposer. Disons qu’en tant qu’étranger, on ne nous dit rien si on fait une pause. Les 3ème ou 4ème année peuvent aussi, éventuellement, se reposer. Mais les 1ère et 2ème année, ça ne passe pas. 


L'ÉPREUVE DU TATÉ : 1h30 DE RANDORI SANS PAUSE

Je me souviens d’une fois où j’ai été en Taté. C’est un mot qui veut dire « bouclier » en japonais. C’est ce qu’on utilisait pour protéger les forteresses. Donc sur un tatami, les taté, c’est un petit nombre de judokas que l’on met au milieu et qui enchainent tous les randori, avec d’autres judokas qui eux, se reposent entre les combats. Ce sont donc toujours des judokas frais, reposés qui invitent ceux, au milieu, en taté.

J’ai été Tate 3 fois au Japon. Durant 1h… et même la 3ème fois, durant 1h30 ! 88 minutes pour être exact. C’était très dur. Je me souviens que tous les Japonais, 1ère ou 2ème année, couraient sur moi pour m’inviter afin de ne pas se faire engueuler par leur coach. Ils savent qu’un étranger sera toujours moins fort qu’un Japonais, qu’ils ont donc moins de chance de se faire casser la gueule que par un 3ème année ! Parfois, j’en avais une dizaine qui couraient sur moi, je ne savais même pas qui choisir ! Et après, ils me rentraient dedans de façon à se faire bien voir par leur coach !


EN ROUTE VERS LE KODOKAN

Après Kyoto, Tenri, je suis allé à Tokyo, au Kodokan, en avril 95. C’est là que j’ai fait la connaissance de maitre Pelletier. Il n’était pas sur le tatami car il était haut-gradé, mais il regardait les entrainements avec ses bras droits, fidèles lieutenants, autour de lui. Et là, j'ai eu une épreuve extrêmement douloureuse...


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