1. DU VILLAGE AUX JEUX OLYMPIQUES : L'ASCENSION DE CATHY ARNAUD EN JUDO
1.1 DU SPORT ET DU PARTAGE AVEC LES AUTRES
Je suis Cathy Arnaud, je suis née en 1963 et je suis girondine, d’un petit village, Hostens. J’ai commencé le judo à l’âge de 8 ans et j'ai toujours évolué dans le judo. Pour moi, ce fut un sport de combat qui m’a permis de sortir un peu des occupations que j’avais avec ma famille… J’étais dans une fratrie de 11 (6 sœurs et 4 frères) et j’étais très souvent avec mes frères.
J’avais donc des tendances à faire des sports un peu masculins ou extérieurs. Je faisais du football, du handball… Mais j’avais aussi la sagesse de mes sœurs qui sont parties dans des métiers liés aux soins des autres, dans le médical. J’avais donc ce support familial qui m’a orientée vers le sport et les rencontres, le partage avec les autres. Dès toute petite, j’ai eu cette éducation-là.
1.2 "J'AI APPRIS LE JUDO PAR SA CULTURE, SON ESSENCE".
J’ai progressé jusqu’à l’âge de 17 ans dans mon village à travers des entraînements réguliers. Mon professeur s’appelait (et s’appelle encore) M. Moineau. Il m’a enseigné le judo de façon très philosophique. Il a été très formateur pour moi, déjà toute petite, au niveau de la connaissance du judo. Il m’apprenait le nom des techniques en japonais, il m’expliquait le comment, le pourquoi… Il avait déjà cette démarche de me faire apprendre le judo par sa culture, son essence. Il avait lu pas mal de bouquins sur la vie de Jigoro Kano.
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À travers des petits gestes et des mots simples, sans grande philosophie, mon professeur m'a transmis la passion de cet art martial : le judo.
Cathy Arnaud
À travers des petits gestes et mots simples, sans grande philosophie, il me transmettait. Il y croyait, tout simplement, et il m’a donné la passion de cet art martial. C’est comme ça que j’ai aimé le judo, à travers ce que je ressentais en le pratiquant, et ce, à toutes les étapes de mon évolution.
1.3 QUITTER LE COCON FAMILIAL : DIRECTION L'INSEP
À 17 ans, je suis partie en équipe de France. C’était en dehors de ma région donc ce n’était pas facile. Je partais de mon petit cocon pour aller à Paris.
À partir de ce moment-là, je me suis licenciée sur un club voisin de Paris : l’US Orléans. C’est ce qui m’a permis de ne pas rester toute la semaine à l’INSEP et de pouvoir retrouver l’ambiance club. Il y avait comme entraîneur, à l’époque, le professeur de judo M. Guy Delvingt qui avait d’ailleurs encore des choses à prouver en tant que compétiteur ! Il est ensuite devenu entraîneur des féminines avec Christian Dyot et Kiyoshi Murakami. Ils ont été mes 3 entraîneurs sur Paris. J’ai ainsi fait 13 ans de carrière comme athlète de haut-niveau, à l'INSEP et avec cette ambiance club, proche de l’ambiance Équipe de France.
1.4 SE FAIRE UNE PLACE PARMI LES PLUS GRANDES
Quand je suis arrivée à l'INSEP, il y avait des filles très fortes comme Béatrice Rodriguez qui était championne du monde en titre dans cette catégorie. J’ai dû la battre pour donner confiance aux entraîneurs sur ma sélection. Choisir entre Béatrice et Cathy, ce n’était pas évident ! Il y a eu des discussions intenses… Mais je suis arrivée à prendre sa place.
Il y avait aussi Sabine Hirst, Armelle Iost, Magali Baton, Cathy Leclerc… Ce sont des filles qui faisaient à chaque fois des podiums sur les tournois et sur les championnats de France. Mais j’ai réussi à prendre ma place et rester au top sur les 13 années de ma carrière.
1.5 LE PALMARES EXCEPTIONNEL DE CATHY ARNAUD
Finalement, je suis passée de 2 entraînements par semaine dans mon petit village, à Hostens, à 2 entraînements par jour ! J’ai alors eu une progression remarquable avec un palmarès assez éloquent :
Ensuite, j’ai été médaillée aux Jeux Olympiques à Séoul en 1988 et j’ai terminé 5ème aux Jeux Olympiques de 1992, en fin de carrière.
1.6 SE MAINTENIR AU TOP DURANT 3 OLYMPIADES
Trois olympiades, c’est beaucoup pour maintenir la qualité des entraînements. Surtout que j’étais très active durant les séances, j’avais besoin de beaucoup travailler. J’étais une besogneuse ! J’avais besoin de travailler pour ressentir. Et puis j’étais amoureuse de plein d’autres sports… Je faisais du squash par exemple. C’est ce qui m’a aidée à varier mes techniques à droite à gauche, c’était bon pour la latéralisation. Pour l’explosivité aussi ! On jouait souvent au squash avec Béatrice… J’aimais bien courir aussi. Il y avait la perte de poids à gérer, ça a été dur à maintenir sur 3 olympiades. J’étais arrivée à 54kg en équipe de France et j’en suis sortie avec un poids de forme à 64 kg. J'ai varié de 10kg sur cette période de compétition. C’est certain que c’est dur de maintenir sa forme sur cette durée.
1.7 CATHY ARNAUD ARRÊTE SA CARRIÈRE DE HAUT-NIVEAU SEREINEMENT.
Après les Jeux de 1992, on pouvait faire une coupe d’Europe avec les filles de l'US Orléans… J'ai donc continué encore une année, en -63kg, pour essayer de rester. D'ailleurs, j'ai encore fait une médaille aux France en -63kg. Mais c’est très difficile d’arrêter sa carrière. On ne sait pas le quand, le pourquoi, le comment… Même si on sait déjà que ce n’est plus pareil. J’étais déjà passée un petit peu de l’autre côté de la barrière mais je n’avais pas envie de lâcher sur un aspect négatif. Je m’étais dit qu’après ces jeux de 1992, ce serait fini… Mais c’était une mauvaise période parce que c’était l’année du décès de mon père donc j’ai dû rentrer chez moi. Je me suis quand même préparée pour ces jeux, on m’a fait confiance jusqu’au bout.
Vers la fin de ma carrière, Christian Dyot m’avait fait remarquer que je m’occupais déjà plus des autres que de moi. J’étais dans ce rôle de donner des conseils plutôt que d’aller jusqu’au bout, pour moi, afin d’aller chercher cette médaille d’or que je n’avais pas encore eue aux Jeux. Il était donc temps que je m’arrête, tout simplement.
J'ai donc arrêté ma carrière sereinement. J’étais satisfaite de tout. Je n’étais pas très envieuse de la médaille d’or olympique car j’étais extrêmement heureuse d’avoir fait les jeux olympiques.
2. FORMER ET TRANSMETTRE
2.1 CATHY ARNAUD REJOINT LE PÔLE FRANCE DE BORDEAUX
Après ma fin de carrière en 1992, j’ai eu un poste de conseiller technique régional. Je suis revenue dans ma région et j’ai été employée par la ligue Aquitaine à l’époque. J’ai donc été tout de suite engagée sur le sport étude à Bordeaux, c'était un pôle France, en collaboration avec Frédéric Lebrun malheureusement décédé aujourd’hui. On a fait un duo : je m’occupais des jeunes arrivants et lui avait l’organisation. Je travaillais avec Patrick Clément, Samuel Lamoro… On travaillait ensemble et on se répartissait les tâches. Moi j’étais toute jeune, j’avais encore cet esprit de compétition et j’avais beaucoup à redonner. Ils m’ont donc utilisée dans le bon sens du terme.
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Plutôt que d'être dans la dureté de l'entraînement, j'aimais redonner à l'athlète la conscience de son entraînement : savoir quoi travailler, quoi faire pour progresser.
Cathy Arnaud
J’avais bien mon rôle : ne pas être que l’entraîneur sur la dureté de l’entraînement mais plutôt sur les petits conseils. Chaque « petit truc », refaire ça, refaire ci… Redonner à l’athlète la conscience de l’entraînement : savoir quoi travailler, quoi faire pour progresser. Cette période au pôle France de Bordeaux était vraiment intéressante, j’ai partagé avec mes collègues des moments extraordinaires.
2.2 MISSION DÉVELOPPEMENT DU JUDO
Après, au vu de mes qualités, mes compétences et les besoins de la Région, je suis partie sur un poste régional pour m’occuper du développement du judo sur la Nouvelle Aquitaine. Ça me plaisait car je bougeais beaucoup, j’allais vers les clubs. J’intervenais sur la formation des enseignants et j’ai beaucoup travaillé pour les formations modulaires qui étaient proposées à l’époque. J’ai pu aider beaucoup de gens à devenir professeur.
À cette époque-là, il y avait vraiment de la pédagogie. Aujourd’hui, il y en a beaucoup moins. Chacun va chercher son truc pour se faire la main, avoir des billes… Mais il n’y a plus ce brevet d’État qui était très complet entre le tronc commun et le tronc spécifique où là, on apprenait vraiment le judo. J’adorais enseigner de façon à faire aimer le judo.
2.3 QUAND CATHY ARNAUD ENSEIGNE LE JUDO
Pour aimer quelque chose, il faut que ça soit bien présenté, bien cadré. Je n’aime pas quand ça part dans tous les sens et on ne comprend rien. Il faut tenir un discours.
Lorsque je prépare mes cours, j’aime partir de quelque chose de simple et avancer comme une boule de neige qui grossit. Je cite souvent l’image d’un anneau plus un anneau qui font une grosse chaîne, qu’on peut mettre en déco ou attacher à un bateau pour ne pas qu’il s’en aille… Si on présente bien les choses et qu’on fait vraiment aimer les choses, tout le monde peut s’en servir : soit pour faire du haut niveau et être performant, soit pour prendre du plaisir et aller chercher une satisfaction personnelle dans les grades, dans l’échange avec les autres… C’est un sport très ludique le judo : on échange beaucoup, il y a du corps à corps, on se saisit, il y a du contact, on peut faire debout, au sol. C’est un sport complet où il n’y a pas forcément besoin de beaucoup de choses pour s’amuser.
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Pour aimer quelque chose, il faut que ce soit bien cadré. Si on présente bien les choses, on fait alors aimer le judo et tout le monde peut s'en servir.
Cathy Arnaud
2.4 ÊTRE EXIGEANT AVEC LES ENFANTS
Pour les enfants, il ne faut pas oublier que ce sont les 1ers pas qu’on fait quand on est petit. On a envie de marcher, de courir, de se bagarrer mais sans tomber car ça fait mal. L’enfant découvre et je lui apprends justement à ne pas se faire mal en tombant : c’est l’exigence sur la chute. Il y a aussi l’exigence sur l’attitude, c’est important qu’ils ne se trompent pas. Je ne veux pas que ces enfants disent « moi, j’ai fait du judo et j’ai donné des coups » par exemple. J’ai envie qu’ils comprennent le judo comme mon professeur me l’a appris.
2.5 "JE PRENDS VRAIMENT DU PLAISIR À ENSEIGNER"
Je réfléchis toujours à comment amener la finalité de ma séance ou mon stage. Où je veux aller et d’où je pars. Ce sont mes deux questions lorsque je prépare mes séances. Où je veux aller ? Par exemple là, sur ce stage, je voulais aller sur un point essentiel à savoir que tous les stagiaires aient vu des techniques avant et arrière et qu’ils aient compris le déséquilibre arrière et avant. Le déséquilibre est très rarement travaillé dans les situations d’apprentissage en club. Généralement, on ne fait pas une séance sur le déséquilibre ; on fait plus souvent une séance sur o uchi gari ou sur une technique. Alors que pour moi, ce sont tous les principes de base qu’il faut remettre dans notre façon d’enseigner et c’est le message que j’essaye de faire passer.
3. COMMENT TRAVAILLER SON JUDO : 6 CONSEILS DE CATHY ARNAUD, POUR TOUS.
3.1 LES BASES, ENCORE ET ENCORE.
Travailler et retravailler les bases, c’est très important. C’est comme un pianiste. Il fait ses gammes à chaque fois. Et après il fait son morceau ou il crée. Mais au départ, il reprend toujours les bases. Au judo, c’est pareil, il est essentiel de répéter les bases. La façon dont on se déplace, savoir glisser, rebondir, se décaler, être en tsugi ashi… Tout ça représente les déplacements dans les combats. C’est essentiel. Il faut absolument remettre à chaque fois ces bases dans ses séances pour que le corps devienne à l’aise. Quand on l'est dans les déplacements, on est équilibré. Et on peut alors ajouter de la technique, des systèmes d’attaques… Tout se greffe ensuite, mais sur ce socle.
3.2 AIMER "SES" TECHNIQUES ET ÉVOLUER : L'EXPÉRIENCE DE CATHY ARNAUD
Au départ, j’aimais bien Uchimata parce que j’avais vu cette technique et elle me plaisait. J’étais pourtant toute petite ! Mon prof était surpris que je veuille l’apprendre mais il me l’a apprise… Il m’a encouragée à la pratiquer puisque je l’aimais ! Mais il m’a aussi suggérer d’autres techniques, me faisant remarquer qu’Uchimata n’était pas idéale pour ma catégorie de poids et mon gabarit. Il m’a alors proposé de m’apprendre les mouvements d’épaules. J’ai ensuite conforté ces techniques d’épaules au contact d'énormément de gens et puis finalement, j’ai fait mon propre seoi nage.
3.3 LA MALETTE À OUTILS : LE SYSTÈME D'ATTAQUE
Ce que j’aimais lorsque j'étais dans mon club, c’était l’idée que « je peux le faire tomber sur l’avant, je peux le faire tomber sur l’arrière : comment je m’y prends ? ». II me fallait absolument, pour ça, des outils ! Avoir une seule corde pour tirer, ça ne va pas. Il vaut mieux avoir une pince pour ceci, un tournevis pour cela… C’est ce que je m’imaginais ! Je me voyais avec plein d’outils sur moi-même à la ceinture et ça me permettait de bien travailler. Je me construisais tout ça toute seule. Je voyais autour de moi, sur le sol, tout ce qui pouvait s’inscrire dans un cercle : là je peux faire ça, là je peux faire ci.
C’est ensuite, à Orléans, qu’on m’a expliqué le système d’attaque. C’était un schéma avec des flèches en croix : avant droit, arrière droit… Faire tomber sur l’arrière, faire tomber sur l’avant… En se dirigeant vers là ou vers là… Sur un droitier, sur un gaucher. .. Et en fait, c’était tout ce que j’avais dans ma tête enfant, en schéma.
Quand tu es enfant, tu regardes la nature, un bateau « naturellement ». Tu es sans filtre, tu reçois plein de choses de façon naturelle. Et pour le judo, toutes ces choses que j’avais observées naturellement se sont organisées lorsque j’ai pris conscience que l’entraînement, c’était une logique, une méthode.
3.4 L'ÉPREUVE DES ENTRAÎNEMENTS DURS
Avant ma période de haut-niveau, j’allais partout où je pouvais… J’allais dans d’autres clubs, il y avait beaucoup d’échanges, on nous invitait… ! J’allais courir, je faisais du vélo, je ne pouvais pas être posée. Au judo, j’avais l’exigence des gabarits des garçons car il y en avait beaucoup dans mon club. Donc jusqu’à l’âge de 17 ans, j'ai dû apprendre à résister face à eux. Je me souviens de Serge ou Nicolas, des garçons costauds, durs, du village…! Ils me faisaient mal ! M’entraîner avec eux a été très bénéfique.
Puis à l'INSEP, j’étais toujours là avant l’entraînement. On s’entraînait beaucoup, à l’époque, avec Cécile Novak, ma partenaire d’entraînement. On arrivait toujours avant, on repartait toujours après. On avait des doses d’entraînement conséquentes. On s’était dit que de toutes façons, « il faut en faire plus et mieux que les autres ». Donc c’était un principe qu’on a tenu sur toute cette période où l’on s’est entraidées durant notre carrière.
Après, durant les combats, j’essayais de ne pas penser et d’être plutôt créative. Rechercher le moment.
3.5 LA RÉCUPÉRATION : ESSENTIEL POUR UN JUDOKA
Aujourd’hui, j’ai appris à me poser. Je suis assez exigeante pour arriver en forme physiquement et je garde cette idée de la récupération. L’importance du sommeil, de l’hydratation : ça fait aussi partie de la forme physique. J’ai, d’ailleurs, fait appel à des spécialistes comme l’hypnose pour le sommeil, pour rechercher le calme intérieur par rapport à toutes les émotions extérieures qui me perturbaient… Je parle des décès par exemple. Je n’arrive pas à faire le deuil des personnes proches que j’ai perdues. L’hypnose m’a beaucoup aidée pour ça. J’ai aussi cette difficulté à me centrer sur l'essentiel, me restreindre dans ce que je donne. Quand j’aime, je ne compte pas ! Mais il faut savoir, parfois, se raisonner pour ne pas aller dans l’excès…
3.6 SAVOIR OBSERVER SES PROGRÈS
C’est aussi ce que je vous apprends pour l’entraînement : ne pas tout donner n'importe comment. Je vais exagérer volontairement mais voilà : ce n’est pas vouloir montrer un mouvement à fond pour que l’entraîneur nous remarque et puis plus rien le reste de la semaine. C’est plutôt construire, remarquer ce qu’on a fait, observer ses progrès. Faire le retour de notre séance. C’est toujours ce que je dis durant l’entraînement. Je crée cet espace pour que chacun puisse avoir ce temps. « Repensez à ce que vous avez fait, refaites-vous le film ». Quand on marche, quand on se replace pour le salut, qu’on prend le temps de se rhabiller...
J’ai d’ailleurs remarqué l’évolution des élèves de ce stage ! La 1ère année où je suis venue ici, c’était un bazar pas possible ! Ça jacassait dans tous les sens, c’était brouillon… Je me suis dit que j’allais avoir du boulot ! Et aujourd’hui, je suis très fière. Même avec ces 3 années de COVID, on arrive à avoir quelque chose qui se tient. Pour moi, l’organisation de l’entraînement, c’est essentiel. Je donne beaucoup d'énergie pour cela. De la technique aux randoris, il s’agit de tenir en éveil, tenir en présence… Je bouge sur le tapis, je change de place. C’est fatigant de voir les entraîneurs rester au même endroit ! Peut-être qu’on peut regarder et avoir une analyse depuis le même endroit mais moi, j’ai horreur de ça !
4. RECOMMANDATIONS POUR CHAQUE PROFIL DE JUDOKA
4.1 TRAVAILLER À DROITE ET À GAUCHE EN JUDO
Pour les enfants, tout au début, il faut travailler toutes les techniques à droite et à gauche pour qu’ils se trouvent, notamment sur les appuis. Un enfant droitier n’est pas forcément droitier au judo. Il faut donc leur faire faire des deux côtés.
À cela s’ajoute le fait qu’ils n’écoutent pas tellement les explications, ils regardent surtout. C’est donc important de leur montrer des deux côtés pour qu’ils puissent retranscrire ce qu’ils voient dans leur façon de faire. On peut dire que jusqu’à la ceinture bleue, c’est bon de travailler chaque technique des deux côtés.
Ensuite, il faut apprendre à travailler à droite et à gauche mais sans changer de garde, en changeant les techniques. Par exemple, travailler ko uchi gari côté manche et partir sur un seoi nage côté revers… Ça permet d’avoir une qualité de son système d’attaque : c’est-à-dire utiliser vraiment des techniques de projection dans ces différentes directions. Il ne faut pas oublier que Jigoro Kano a inventé des prises pour faire tomber, se défendre, pour aller dans le sport de combat… C'était son principe. C’est donc tout de même important de savoir projeter dans toutes les situations. Moi en tant qu’athlète, j’ai gardé la garde à droite et j’ai cherché des mouvements à faire du côté gauche. Par exemple, le seoi nage côté revers : c’était donc un seoi à gauche mais je ne changeais pas de garde !
Cela dit, attention, la science de l’entraînement n’est pas "généraliste", elle n’est pas la même pour tout le monde. Elle doit être personnalisée. Il faut toujours se demander : "qu’est-ce qu’il faut à cette personne pour qu’elle soit performante ?"
4.2 AJOUTER UN TEMPS DE DÉPENSE PHYSIQUE APRÈS LES RANDORIS
Faire des exercices de dépense physique après les randori, c’est du plus. C’est ce qui fait que tout ce que tu as dépensé en énergie, tu le « classes ». C’est comme si tu travaillais et qu’après, tu rangeais toutes tes affaires en les reclassant. Ça peut être du renforcement musculaire lié à la technique du jour. Par exemple, du renfo pour perfectionner le fauchage si on a travaillé sur o soto gari, ou des poussées de bras pour savoir se remettre en situation, etc. On peut donc proposer du renfo, des étirements, de la mémorisation parce que répéter le mouvement, à la fin du cours, c’est bien pour le ranger au bon endroit. C’est vraiment comme ranger ses affaires... en les protégeant.
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Faire des exercices de dépense physique après les randori, c'est du plus. Renforcement musculaire, étirements, mémorisation... C’est comme si tu travaillais et qu’après, tu rangeais toutes tes affaires, en les reclassant.
Cathy Arnaud
4.3 APPRENDRE DE SON PROFESSEUR ET ÉCOUTER SON ENTRAINEUR
Ce n’est pas facile pour un professeur de faire de la personnalisation dans un cours collectif. C’est pour ça qu’avant de faire de la personnalisation, il faut rendre le sportif autonome. Il doit savoir prendre les outils qu’on lui a donnés pour se construire. C’est ça l’autonomie. Et c’est le rôle du professeur. Je dirais même du professeur - éducateur car il va aussi transmettre des valeurs. Le courage, le respect, le partage… Il doit mettre tout cela dans son enseignement.
Une fois que les élèves sont autonomes, c’est autre chose. C’est du perfectionnement. Et là, c’est le rôle de l’entraîneur. Lui, il ne va faire que du perfectionnement. Il faut rappeler que ceux qui entrent en structure vont vers des objectifs sportifs. Donc l’entraîneur de pôle est bien un entraîneur, c’est un métier différent de celui de professeur. Il n’est pas là pour former sur les grades par exemple. Même si pour les jeunes minimes qui arrivent en structure, on leur transmet les katas pour qu’ils passent leur ceinture noire, et que c’est vrai qu’on a aussi ce rôle-là, fin juin, de transmettre d’autres apprentissages que ceux vraiment liés aux combats, aux randoris.
Après, cette corrélation entre le professeur et l’entraîneur doit pouvoir se faire pour équilibrer l’athlète. Celui-ci doit pouvoir passer de l’un à l’autre de façon cohérente… Et ensuite vers les entraîneurs nationaux, qui eux, ne connaissent pas du tout les athlètes dans leur parcours initial.
4.4 ADULTES DÉBUTANTS EN JUDO : LE CONSEIL N°1 DE CATHY ARNAUD
Pour les jeunes ou adultes qui commencent le judo, qui sont actuellement ceintures de couleur, je leur recommanderais de faire attention à ne pas être trop gourmands dans ce qu’ils veulent, pour ne pas tout mélanger. Le judo, c ‘est quand même compliqué, il y a énormément de solutions possibles. Je leur conseillerais de s’intéresser à quelque chose qu’ils aiment bien, par exemple la bascule avec la hanche… Choisir d’abord une famille de mouvements ou un mouvement par famille ou encore 3 mouvements sur chaque situation. Mais sans s’engager sur des techniques périlleuses qui peuvent être traumatisantes. Quelques fois, on veut aller faire sur Ura nage ou Tani otoshi très vite, mais c’est dur ! Ça fait mal au dos, ça crée un risque pour l’autre, on s’amuse moins. Par contre, sur des choses beaucoup plus simples comme des balayages, des fauchages, on peut s’amuser. Il faut commencer par les techniques de base et jouer à piéger l’adversaire.
4.5 COMPÉTITEURS : LE POINT SUR LEQUEL TRAVAILLER D'APRÈS CATHY ARNAUD
Pour les jeunes ou adultes qui aimeraient davantage s’exprimer en compétition et qui ont des difficultés à faire des résultats, je conseillerais vraiment de faire ou refaire le travail d’être équilibré. Même en vétéran ! Cela veut dire refaire les taisabaki sur 2 appuis et gagner en vitesse pour surprendre. Il faut donc piéger et en même temps surprendre parce que l’autre veut aussi piéger. Les combats en compétition sont plus durs. On veut souvent aller trop vite dans le résultat de la technique, c’est à dire dans l'idée de faire tomber. Du coup, souvent, par exemple sur le seoi nage, les gens sont trop vite au sol… Ils ne prennent pas le temps de sentir qu’ils ont piégé le partenaire parce qu’il est dans leur dos. Un partenaire qui est pris va tout faire pour gesticuler mais il va tomber quand même ! C’est comme le poisson : quand tu l'as ferré et qu'il est accroché, il a peu de chance de rester dans l’eau ! Donc c’est ça : perfectionner son équilibre sur les mouvements à deux appuis ou sur un appui si on n'a pas de problème articulaire. Parce que c’est vrai que plus on commence tard le sport, plus c’est difficile par rapport à ça. Il faut toujours essayer de travailler sur son équilibre. Qu’est-ce qui est le plus équilibrant pour moi et qui pourrait être le plus répété ? Et devenir plus fort là-dessus.
4.6 PROFESSEURS DE JUDO : UN MESSAGE DE COOPÉRATION À PASSER
Si j’ai un message à faire passer aux professeurs, ce serait de penser à qui on s’adresse plutôt qu’à soi-même. Parfois, les enseignants ou les entraîneurs pensent plus à leurs résultats qu’à se mettre à la place de ceux à qui ils s’adressent.
Il s’agit aussi de savoir davantage ouvrir ses portes sans aller voler un athlète chez un autre. Respecter le travail des autres et travailler en coopération… Je sais que c’est difficile dans notre société parce qu’on n'aime pas quand on vient chercher des élèves chez nous ! Mais je pense qu’on aurait pu avoir un système associatif qui travaille plus en collaboration de façon à ne pas briser le fil conducteur de la vie de l’athlète. Il faudrait plus de relations entre les différentes entités d’enseignement.
4.7 ET SI LES GRADES EN JUDO ÉVOLUAIENT ?
Si tu me demandes ce que je ferais évoluer dans le judo français... J’aimerais peut-être améliorer la progression du grade. Je trouve que les couleurs des ceintures représentent très peu de choses de compréhension. Il y en a qui prennent ça très au sérieux mais moi, je me demande ce que ça représente. Est-ce qu’une ceinture bleue est plus forte qu’une verte ? Ce sont les couleurs de l’arc-en-ciel ? Je me suis souvent demandée pourquoi des couleurs ? Moi j’utilise des niveaux, tout simples : niveaux 1, 2, 3. Et plus tu montes en intensité, plus tu montes en niveau. D’ailleurs, je le fais dans mes entraînements, j’utilise même le son et la lumière. D’ailleurs quand on réfléchit, les japonais n’avaient que la ceinture blanche puis noire. Toute la progression entre les deux, c’est « j’apprends le judo ». Nous, on a cette progression qui a été faite pour les européens. On a besoin de la carotte, du truc à obtenir, c’est donc sûrement pour aider dans la progression... Pour donner des bons points à chaque fois, des récompenses, pour ne pas que l’enfant se lasse…
Après, dans chaque club, il y a énormément de différences d’entraînement. Chaque professeur a sa méthode ! On a des bouquins, des références sur les niveaux d’exigence, mais seulement sur un plan technique. Par exemple, savoir chuter est la 1ère chose essentielle. Aussi apprendre à se tenir, à ressentir le déséquilibre, se déplacer à deux etc. Apprendre à remettre bien son judogi face à son partenaire, à la bonne distance : c’est une base mais beaucoup ne savent pas le faire après plusieurs années de judo. Et c’est aussi l’apprentissage du respect. Lorsque tu viens de travailler avec le partenaire, tu ne peux pas partir en courant… Tu dois prendre le temps de te rhabiller et saluer, c’est comme quand tu dessers une table. Tout ça, ce sont les bases et on les rapprend tous les jours. On rapprend à être ceinture blanche tous les jours en fait.
Après, pour ce qui est des dan, c’est plus visible : 1er, 2ème, 3ème… Plus tu montes, plus la ceinture va vers le rouge, c’est donc plus représentatif.
5. LA CONCLUSION DE CATHY ARNAUD
Si je devais dire un mot à la Cathy de 17 ans ?
Eh bien, je lui dirais « refais la même chose, vas-y ! ». Et je penserais aussi à mon beau-frère et mon papa.
Ce n’était pas facile car mes parents n’étaient pas des gens aisés. Mais ils étaient rigoureux dans leur éducation. Ils m’ont dit qu’ils ne pouvaient pas me payer mon départ à Paris pour le haut niveau mais que ma sœur et mon beau-frère, qui étaient un peu plus à l’aise, allaient aider pour assurer ces frais. C’est ce qui m’a permis de partir et avoir une bourse par la suite.
Mais pour les premiers pas, c’était difficile. J’étais dans une famille nombreuse, mes parents m’ont laissée partir mais c’était dur. Donc je dirais à la jeune Cathy de 17 ans de remercier encore plus mon papa, toute ma famille et Bernard, mon beau frère.
6. ET APRÈS ?
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Merci beaucoup pour cette expérience réussie comme judoka championne, entraîneur, professeur. Passionnée et transmeteuse, Cathy ARNAUD fait partie de l’histoire du judo français.
Exemplaire. Respect.
Merci beaucoup Monsieur pour ce commentaire, honorée de vous lire ici car j’ai toujours beaucoup entendu parler de vous, notamment par Jacques S. par exemple 😉 Bon dimanche !
Merci beaucoup Monsieur pour ce commentaire, honorée de vous lire ici car j’ai toujours beaucoup entendu parler de vous, notamment par Jacques S. par exemple 😉 Bon dimanche !
Moi je suis les conseils de cathy etant donne quelle a été ma formatrice de mon diplôme du mieux possible pour mes deux clubs donc l’ancien club a cathy à Saint Magne ou je suis enseignant depuis l’année 2000
Merci cathy
oooh vous l’avez eue en formation donc ! la chance 🙂 Bonne rentrée à vous alors, dans vos 2 clubs… Déjà 23 ans d’enseignement, bravo !
Un grand respect pour cette championne, cette femme qui est un exemple au niveau de la transmission intergénérationnelle. Son enthousiasme est contaminant!
😍 👍🏽 et merci à vous de partager votre opinion !!