Direction le KODOKAN à Tokyo pour découvrir comment se passe un Kangeiko, c’est à dire un entrainement d’hiver.
Du temps de Jigoro Kano, le Kangeiko durait 1 mois avec 30 randori par jour, dès 5h du matin, les fenêtres ouvertes, dans un Tokyo sous la neige. Aujourd’hui, la tradition perdure avec quelques évolutions : c’est 10 jours, de 5h30 à 7h30 tous les matins, et s’il faut bien marcher dans le froid de Tokyo pour s’y rendre, le dojo est chauffé à 18 degrés.
Vous trouverez ici comment se déroule un Kangeiko : cela peut vous donner l'envie d'y participer un jour... ou d'en organiser un avec votre club sur quelques jours ! Surtout, si l'idée vous plait, je vous invite à découvrir mon journal de bord tenu sur les 10 jours : il suffit de vous inscrire ici pour le recevoir tout de suite : secretsdejudokas.com/kangeiko
1- Arrivée à Tokyo
C’est la 5ème fois que je me rends au Japon, je commence à être rodée pour faire ma valise… Un prochain article-épisode est en cours de préparation : le lien vous sera envoyé par mail !
Une fois arrivée à Tokyo, je retrouve tout ce qui fait que cette ville est si particulière :
- le système de transport avec des cartes prépayées hyper pratique
- les métros super profonds : il ne faut pas avoir peur des marches, ça fait travailler les cuisses !
- une signalisation du métro vraiment super facile : si c’est votre premier départ, vous n’avez pas à vous inquiéter !
- les plans de rue un peu partout, bien utiles surtout si vous n'avez pas de forfait 4G pour le GPS... Mais attention, ils sont toujours orientés non pas le nord en haut, comme chez nous, mais dans le sens de ce que vous voyez face à vous. Un peu déstabilisant au départ, je trouve ça finalement plus pratique.
- et bien sûr toutes ces lumières partout et publicités sonores dans la rue…
2- LOGER AU KODOKAN
Avec un petit budget, l’idéal est de faire un voyage par AirChina, avec escale… Et de choisir le dortoir du Kodokan qui est franchement un dortoir "de luxe". Surtout pour les filles car nous sommes peu nombreuses. Les autres chambres sont aussi d’un excellent rapport qualité-prix, même celles sans salle de bain ni toilettes : j’en ai pris une sur ma 2ème semaine et c’était vraiment parfait. Les sanitaires, à l'étage, sont extrêmement propres, c'est le plaisir d'être au Japon !
L’avantage de loger au Kodokan, c’est que c’est beaucoup plus facile pour gérer sa valise et ses judogi : on peut s’habiller sur place avant d’aller au dojo, prendre sa douche directement près de sa chambre et pas besoin de trainer son judogi dans la journée ou de devoir repasser par son hôtel.
3- LES RÈGLES DU DOJO
Chaque matin, c’est donc à 5h20 que je monte au 4ème étage : c’est là qu’on se déchausse pour accéder à tous les dojos des étages supérieurs. Le Kangeiko se déroule dans le grand dojo, c’est à dire au dernier étage (7ème).
Il y a plusieurs règles à respecter au dojo, assez différentes de celles de la France.
Par exemple, tu salues à l'entrée du dojo (ce qui est vraiment capital) et une fois dedans, tu ne salues plus le tapis à chaque fois que tu entres ou sors… Tu es d’ailleurs pieds nus partout, tout est propre.
On va toujours saluer les hauts-gradés lorsqu’on arrive.
Et puis, durant un cours, tu salues toujours de façon à ce que personne ne tourne le dos à Jigoro Kano. Le plus gradé se place à droite par rapport à Jigoro Kano. Ainsi, tout le monde salue toujours selon le même alignement.
4- 5H30, LE KANGEIKO COMMENCE
Tous les matins, alors qu'il fait encore nuit dehors, on commence par 15 min tous ensemble pour des assouplissements. J’ai compris pourquoi les Japonais sont si souples : si tous leurs cours, depuis qu’ils sont tout petits, commencent ainsi, forcément, ça fait son effet ! Une partie est en lien avec la mobilité judo, comme par exemple certains abdominaux que les professeurs ne manqueront pas de rappeler lorsqu’on travaillera le ne-waza.
Dans cet échauffement, il y a aussi toujours des chutes depuis la position assise d’abord, arrières et latérales, puis des chutes classiques avant… Ici, chuter fait vraiment partie du B-A-BA du judoka, à répéter toute sa vie, comme les uchikomi en fait. Il n’y a pas mieux, pour progresser, que d’avoir un bon Uke et donc, c’est important qu’on soit tous d’excellents Uke pour nous faire progresser les uns les autres. D’où l’importance de chuter encore et encore, avec l’exigence d’une chute propre…
Ensuite, on est répartis en 4 groupes : les enfants, les femmes, les hommes débutants et les hommes confirmés, groupe dans lequel les femmes confirmées peuvent aussi aller.
5- LE COURS TECHNIQUE
L'échauffement
Chaque groupe commence alors par l’échauffement avec uniquement de la mobilité judo. Par exemple :
- beaucoup de "crevettes" avec des détails précis sur comment les réaliser : il existe plusieurs variations de crevettes arrières, avec à chaque fois une logique… Je prépare une vidéo consacrée à ce type de mobilité au sol.
- ou encore des tractions au sol qui se font en lien direct avec l’osaekomi : relever la tête et le buste à chaque fois pour mettre du poids au niveau de son ventre dans le tatami, écarter les jambes pour la stabilité et bien placer les pieds... J’ai vraiment compris que cette répétition permet d’acquérir d’excellents réflexes ensuite au sol. Le corps va pouvoir s’exprimer correctement tout seul en randori ou combat ensuite.
Ce sont des exemples, nous avions 4 ou 5 exercices à effectuer.
Cette mobilité est aussi proposée debout avec des exercices reliés au Tachi Waza, exercices que l’on fait aussi régulièrement en France, comme le o soto gari en sautant sur une traversée de tatami.
L'enseignement technique
La partie technique est similaire à ce que l’on fait en France : le Sensei explique et ensuite on travaille. Les 5 différences importantes que j’ai notées sont :
Compter pour enseigner
Le Sensei compte les étapes d’une technique. 1, 2, 3… Cela facilite beaucoup, je trouve, la bonne reproduction de la technique car le déséquilibre, par exemple, est toujours compté comme une étape. Donc si tu comptes 1, 2, 3... : tu ne peux pas oublier le déséquilibre. Cela devient un peu mathématique et pour avoir les bons placements de base, j’ai trouvé ça super.
Tendoku Renshu
On passe régulièrement par des moments de Tendoku Renshu : c’est une partie vraiment intégrée au cours. Cela m’a confirmé, encore une fois, ce que j’avais découvert lors de mes premiers séjours et ce que je partage dans le programme JudOSalon, un programme 100% tandoku renshu qui permet de progresser depuis chez soi, entre deux cours de judo.
Choisir son uke
Lorsqu’on travaille à deux, on change à chaque cours de partenaire. Il n’y a pas de Uke attitré comme on voit si souvent dans nos clubs ou stages en France. MAIS, cela dit, c’est aussi grâce au fait que les Uke sont tous excellents, ils ont tous appris leur rôle de Uke. C’est donc facile de changer, même si c’est pour avoir un Uke de poids ou taille différente ou même de grade différent, peu importe, on sait qu'on va bien travailler ensemble.
La pratique des hauts-gradés
Les hauts-gradés participent au cours comme tout le monde : des personnes d’un certain âge font les exercices, les uchikomis, le tendoku renshu… Mais aussi des très jeunes, comme Nakamura, triple championne du monde et double médaillée olympique ! J’ai pu observer et comprendre combien le judo pouvait se pratiquer toute la vie, juste dans le plaisir, même quand on est déjà champion ou quand on a près de 80 ans. En France, on a plus tendance à voir les hauts-gradés ou les anciens champions comme des intervenants, des professeurs et rarement comme des pratiquants qui apprennent encore au quotidien parmi les élèves… Bien sûr, je dis « tendance » car ce n’est pas le cas de tous les hauts-gradés !
Mondo
Enfin, dernier point, le Sensei prend souvent 5 minutes pour nous raconter une histoire ou partager une expérience un peu philosophique. C’est toujours un enseignement, mais pas sous forme de morale ou de devoirs… Plutôt sous forme de partage de pensée. Cela donne beaucoup de sens à pourquoi on travaille ainsi et pourquoi on fait du judo. Pour moi, c’est vraiment capital et d’ailleurs, ça ramène implicitement à l’objectif initial de Jigoro Kano : s’améliorer pour améliorer la société grâce au judo.
6- L'APPEL DU KANGEIKO
À 6h30, c’est l’appel : il faut être présent les 10 jours sans exception pour avoir le diplôme du Kangeiko. C'est la même règle pour le Shochugeiko, l'entrainement d'été (qui se déroule chaque année en Juillet).
7- LES RANDORIS
Puis, ce sont les randoris : les 4 classes peuvent se mélanger et nous sommes même invités à faire avec les enfants. Il est rappelé, par le responsable du dojo, que si on fait randori avec un plus fort que soi, il faut beaucoup attaquer, le plus possible… et si on fait un randori avec moins fort que soi, il faut prendre soin de maîtriser nos projections, retenir la chute, prendre soin de son partenaire.
Les règles des randori
- Il n’y a pas de chrono : chacun invite qui il veut et fait randori le temps qu’il veut avec son partenaire.
- On salue à genoux, même pour les randori debout donc, sur le bord du tatami. Si c’est face à Jigoro Kano, c’est comme en technique durant le cours : le plus gradé se met à droite. Si on est sur le côté, le plus gradé se met du côté de Jigoro Kano.
- Si on doit remettre sa ceinture ou son pantalon, ce qui n’est pas censé arriver, on ne le fait pas au milieu du tatami : on retourne sur le bord pour le faire, à genou, avec son partenaire aussi à genou à côté
- durant les randori, c’est important de se tenir droit et de chercher à beaucoup attaquer, sans bloquer le combat par une attitude défensive. Les randori sont très dynamiques et mobiles mais dans un état d’esprit d’exercice, de travail. Ils disent d’ailleurs « randori geiko » lorsque cette phase commence.
Les randori des enfants
J’ai pu observer les enfants qui faisaient le kangeiko comme nous, de 5h30 à 7h30 du matin avant d’aller à l’école, durant les 10 jours. Dans mon journal quotidien, j’ai relevé tous les points qui m’ont marquée. Je pense que c’est important d’observer les enfants car comme ils sont au début de leur progression, on peut facilement voir les bases qui sont transmises par leur professeur. Si on voit des enfants faire randori tout penchés, les bras tendus, avec 1 technique par minute… ce n’est pas le même enseignement que des enfants, comme ici, qui se tiennent droits, un kumikata propre et une technique toutes les 15 secondes ! Cela m’a permis, pour ma propre pratique, d’en déduire les bases à travailler encore et encore.
8- LE GONG DE FIN
À 7h30, c’est le GONG de fin… Tout le monde salue tout autour du tatami et peut ensuite repartir, en saluant le dojo en partant bien sûr !
Depuis le covid, il n’y a plus de petit déjeuner offert au sous-sol comme avant. Mais on peut rester pour travailler encore un peu…
Les hauts-gradés travaillent leurs katas car ils se préparent pour le kagami biraki. Certains travaillent en tendoku renshu : petite pensée à ma partenaire de 4ème dan Laetitia puisque, habitant loin, nous avons aussi beaucoup travaillé en tendoku renshu. Pour moi, c’est une façon de toujours trouver un moyen d’avancer et progresser même quand on n’a pas de partenaire. Et vraiment, on peut faire une bonne partie du travail comme ça.
À ce moment-là, le soleil s’est levé... Je pense que c’était mon moment préféré du matin. Sur les premiers jours, j’ai pu constater qu’on a une pêche d’enfer le matin ! Bon, l’après-midi c’est un petit peu plus difficile de tenir sans sieste quand même 😉.
9- LE DERNIER JOUR DU KANGEIKO
Le dernier jour du Kangeiko, ceux qui ont été là tous les jours reçoivent ce diplôme et c’est le temps des photos : avec les Sensei ou les amis… tout le monde y passe ! Et je dois dire que ça laisse de bons souvenirs. Encore aujourd’hui, je suis contente d’avoir mes photos du Shochugeiko parce que oui, j'y avais participé en 2019… mais ça, c’est une autre histoire !
Article passionnant ! Mille mercis
Merci beaucoup Jacques 😍 !
J’ai adoré regarder et écouter ta vidéo Pascaline, qui m’a rappelée énormément de beaux souvenirs et bien qu’ayant vécu ce Kan Geiko, elle m’a permis de comprendre encore de nouvelles choses. Alors merci à toi pour ce super rendu 🙂
Oooh Tess !! Tu es là !! Je parlais de toi encore hier, au club de judo et de ton sujet 😃 Peut-être que tu t’es vue dans la vidéo ici ou là ? Eh bien un grand merci à toi d’avoir partagé ce petit bout de chemin… et peut-être (j’espère !) à bientôt sur un tatami 😃.
Bonjour Pascaline,
J’ai beaucoup apprécié le résumé de ton stage ça me rappelle de très bon souvenirs, je suis allé au Kodokan en 2003 pour participer au au championnat vétéran et bien entendu j’en ai profité pour visiter une partie du Japon, j’aime ce pays le respect qui nous manque tant en France depuis j’ai raccroché mon kimono, pour me tourner vers d’autres sports, mais je t’avouerai que le judo me manque beaucoup, je lis avec beaucoup d’intérêt tes articles toujours bien écrit et je peux te dire qu’il me servent pour me motiver.
Sportivement André
Bonjour André, Comme ton message me touche ! vraiment ! Que ces articles ou vidéos participent à ton envie de, peut-être, reprendre un jour, ça fait plaisir 🙂 Il y avait déjà un championnat vétéran en 2003 à Tokyo ?! ça alors ! Tu devais être l’un des rares français non ?
à bientôt peut-être 🙂