Dans cet article (la vidéo est ci-dessous), je vous parle de Cyril Jonard, ce judoka d'exception. Ou plus précisément de son livre.

Pourquoi je vous recommande vraiment vivement de lire son livre ? Pour progresser ! Oui, parce que certains parcours sont tellement inspirants qu'ils donnent de l'énergie, l'envie de travailler mieux, peut-être différemment... et font progresser !


J'ai presque honte de dire que j'ai rencontré Cyril Jonard "par hasard". Je me demande encore aujourd'hui comment j'ai fait pour ne pas connaître plus tôt ce judoka incroyable, multimédaillé mondial et champion paralympique. Alors que je me rendais au championnat du monde des sourds et malentendants 2021, une amie me dit :

"Ah tu vas voir Cyril Jonard, il est incroyable !". 


Découvrant son parcours et son palmarès impressionnant, je suis donc allée à sa rencontre et j'ai eu la chance de pouvoir l'interviewer (interview également en bas de page).

Dès le soir même, je commandais son livre.


Qui est Cyril Jonard ?


Cyril a commencé le judo à 8 ans, dans un club à Eymoutiers, juste à côté de Limoges. Il a tout de suite accroché, ce qui n'avait pas été le cas jusqu'à présent avec le tennis ou encore le foot. Il progresse très vite et a une vraie attirance pour cette discipline qui se pratique vraiment au corps à corps. Comme il le dit lui même, toutes les sensations entrent en jeu. Dès sa première compétition, jeune adolescent, il gagne et surtout, il découvre qu'il adore ça.

Il a l'esprit de compétition. 


Il va donc multiplier les tournois en minimes, cadets, au niveau départemental, régional, inter-régional... Ça devient vraiment sa passion. Il pense judo, dort judo, mange judo, rêve judo, durant toute son adolescence.

Il faut dire que le judo semble faire écho à la vie de Cyril qui est né avec le syndrome d'Usher, c'est à dire qu'il est né totalement sourd et mal voyant. Sa vue va diminuer, disparaître petit à petit, progressivement. J'ai été touchée d'ailleurs, lorsque Cyril parle de son adolescence sur les tatamis. Il dit :

Portrait de Cyril Jonard, judoka champion paralympique à Athènes

"

Toute la semaine je n'attends qu'une chose : la compétition. Monter sur le tapis pour montrer que je suis capable de soulever des montagnes. Je me sens tellement bien sur le tatami. J'y suis seul. Seul face à mon challenger. Comme au quotidien. Seul face à la cécité et à la surdité. Seul face à l'adversité. Je me nourris de ces oppositions. Celles qu'on peut palper et celles invisibles mais bien plus coriace. Ma volonté de lutter contre elles, d'en venir à bout, est mon moteur. Ma drogue quotidienne

Le parcours de Cyril


À 18 ans, il obtient sa ceinture noire. Surtout, il rencontre, dans l'établissement scolaire dans lequel il est, un autre passionné d'arts martiaux qui est lui aussi sourd. Il lui fait découvrir qu'il existe des championnats du monde pour sourds et malentendants. C'est comme ça qu'à 19 ans, il s'envole pour Miami aux États-Unis. Premier grand voyage d'un grand adolescent, qui se soldera par le titre : la première marche du podium.


Là, c'est le début d'un parcours incroyable à l'international. 


Alors je ne vais pas vous raconter toute la suite en détails parce que Cyril le fait bien mieux que moi, mais voilà un bref résumé...

Depuis ses 18 ans, Cyril a été champion paralympique en 2004 à Athènes. C'est d'ailleurs ce qu'il dit être son meilleur souvenir de toute sa carrière. Il a été vice champion paralympique à Pékin en 2008. Il a aussi participé à trois deaflympics, ce sont les jeux pour les sourds et malentendants, desquels il ramène quatre médailles. Oui, vous avez bien lu : 4 médailles pour 3 participations ! Comment est-ce possible ? Parce que Cyril a aussi participé aux deaflympics kata. Il a donc rapporté 3 médailles d'argent et une médaille de bronze sur ses 4 participations.


Au niveau national, il domine vraiment totalement le judo handisport. Il gagne les championnats de France de 2001 à 2009... Et il faut rajouter à cela les podiums européens. Sans compter que bien souvent, Cyril n'hésite pas à participer au championnat toutes catégories alors que lui est en -81 kg.


Tous ces titres révèlent sans aucun doute la qualité et l'efficacité du judo de Cyril. Mais ce que je trouve encore plus fou, c'est que ça révèle combien il est passionné, sa persévérance, sa ténacité... C'est d'ailleurs vraiment ce qui transpire dans ce livre et c'est l'une des raisons pour lesquelles je veux vraiment vous le conseiller.


2 nuits pour lire le livre de Cyril !


Cyril nous livre un récit qui est d'abord extrêmement facile et agréable à lire. Je tiens, à ce propos, à souligner sa collaboration avec Kevin Cao, qui est journaliste au service des sports du Populaire du Centre à Limoges. Bravo à lui ! Quand un contenu est passionnant, on y a d'autant plus facilement accès lorsque la forme est fluide et agréable à lire. Et là, c'est vraiment le cas. J'ai dévoré ce livre en deux soirs 😁


Un livre à l'image de Cyril


Ensuite, la deuxième chose qui m'a vraiment touchée, c'est la sincérité avec laquelle Cyril se livre. Il parle autant de ses difficultés que de ses joies et ses fiertés, sans filtre. C'est d'une grande générosité : ils nous donnent tout. C'est ce qui laisse vraiment transparaître sa personnalité tellement persévérante, acharnée, et avec une capacité de concentration surprenante !

Il travaille tout de même tous les jours, avec une énorme conviction, pendant 10, 20, 30 ans ! Il offre cette conviction, ce cœur qu'il donne à l'ouvrage, de façon "entremêlé" : dans un même paragraphe, il va nous parler de son judo, de sa famille, autant de ses craintes que de ses rêves, de ses difficultés ou de ses espoirs. C'est un très beau cadeau qu'il nous fait que de se livrer ainsi : plus qu'un judoka qu'on découvre, c'est un être humain de que l'on rencontre.


Pourquoi je vous recommande ce livre


Aujourd'hui, si je vous conseille ce livre, c'est bien au delà du fait que c'est le parcours d'un judoka. Bien sûr, quand on est judoka, tout ce qu'il raconte fait écho. C'est un vrai régal. Mais cela va bien plus loin. Je pense que beaucoup de lecteurs vous parleraient d'une leçon de courage et de persévérance. C'est tout à fait vrai, je suis entièrement d'accord. Mais j'ai envie d'aller plus loin encore. Pour moi, c'était un peu une leçon d'humanité. Dans sa générosité de se livrer sans filtre et d'oser être qu'il est. C'est vraiment ça qui m'a marquée.


Une leçon d'humanité


Cyril avait cette passion, il a accroché sur cette discipline et il s'est exprimé pleinement dans ce qu'il était, sans retenue, sans gêne. En allant chercher la place qu'il voulait. Qu'on soit judokas ou pas, quel que soit son domaine d'expression, quelle que soit sa passion, c'est ça qui est la plus belle des leçons pour moi. J'ai été "boostée" et ça m'a fait dire, au final, que tout est possible, il ne tient qu'à nous !


Merci Cyril. Merci pour ton parcours, merci pour ta longévité dans le judo parce qu'on sait que ce n'est pas encore fini... Et surtout, un immense merci pour avoir fait ce travail avec Kevin Cao. Avoir pris le temps de partager, ça sert, je pense, des milliers de judokas qui peuvent s'inspirer de ce que tu es, encore plus que de ce que tu fais.



L'interview de Cyril Jonard et Raphaël Ourednik 👇


Retranscription :

Au championnats du monde 2021, Versailles, pour les sourds.

Pascaline : J'ai l'honneur, vraiment le très grand honneur d'ailleurs, d'être en compagnie de...

- à votre droite, Cyril Jonard. Si vous ne le connaissez pas encore, multi-médaillé
paralympique, national, international, il va nous parler de son parcours.
- Et à ma gauche, Raphaël Ouretnik, qui est notre espoir pour demain, et surtout, un jeune prometteur en judo, il va nous en parler aussi !

- Et Anne Germain, qui est la kiné de l'équipe de France paralympique judo, et qui nous rend le grand service de faire la traduction, notamment pour Cyril.

Bonjour et merci de votre temps ! Toute première question : on peut demander...(comme tu as dit Raphaël, honneur aux anciens) à Cyril.



Cyril, comment tu as découvert le judo ?


Qu'est ce qui t'a donné envie de commencer ? Est-ce que quelqu'un t'a inspiré, comment ça s'est passé ?

Cyril : J'ai commencé à 5 ans le judo grâce à mes parents. J'étais malvoyant et sourd mais ils ont pensé que ce n'était pas grave, je pouvais aller avec les valides, contents que je noue des relations, des amitiés, beaucoup dans le sport.
J'étais très motivé au judo, depuis tout petit.

Pascaline : D'accord, donc tu as commencé avec les valides, et tu as pu créer des relations avec des enfants même si tu n'entendais pas et tu ne voyais pas bien...?

Cyril : Oui. J'ai fait de la compétition avec les valides, avec les handicapés malvoyants, plus avec les sourds. Donc 3 types de compétitions. Il fallait être très courageux, c'est dur. Même avec les valides, ça va. Ça dépend des combats... malvoyants et sourds, c'est pareil le niveau, c'est du haut-niveau, fort.

Pascaline : D'accord. Je comprends que la compétition t'a attiré très vite, notamment par rapport à l'exigence de niveau... Tu semblais parlé de courage :


Est-ce que, à travers la compétition, tu as développé des qualités en particulier ?


Cyril : Oui, pour la compétition, j'ai du courage car c'est important de regarder... que la famille, mes enfants me regardent, j'en suis très content. Aux championnats du monde à Versailles, je veux la médaille. C'est de la fierté pour ma famille, pour mes enfants maintenant.

Pascaline : C'est une excellente transition pour transmettre la parole à Raphaël... Raphaël, d'abord je vais te poser la même question...


Raphaël, Comment tu as découvert le judo ? Est-ce que Cyril t'a inspiré ?


ou tu l'as rencontré plus tard ? Comment, toi, tu as été amené au judo ?


Raphaël : J'ai commencé le judo à l'âge de 4 ans parce que j'étais un peu un hyper actif... J'aimais bien bouger... Donc ils m'ont mis au judo, j'ai accroché, j'ai continué. Voilà j'en suis là et... je prends du plaisir !


Pascaline : Alors petite question, on va dire de novice : toi tu es mal entendant, donc j'imagine que tu pratiques sans appareil, forcément. Est-ce que tu as intégré un club avec d'autres malentendants ou tu étais le seul ? Comment ça s'est passé ? Surtout quand on est enfant, comment ça se passe ?


Raphaël : Non, j'ai fait beaucoup de valides. J'ai intégré le groupe en 2017, en troisième, quand j'ai intégré le pôle espoir à Toulouse. Ils m'ont découvert quand j'ai fait les tests de sélection. Depuis, j'ai fait beaucoup de stages avec eux, j'ai découvert le groupe. Notamment, en 2018, j'ai rencontré Cyril, pour le stage international à Madrid. Donc là, j'ai pu le découvrir, on n'était pas dans la même catégorie, j'étais beaucoup plus léger ! Et maintenant on est dans la même catégorie.

Pascaline : Alors justement, vous êtes dans la même catégorie, je ne vais pas dévoiler les âges mais je crois que vous n'avez quand même pas loin de 20, 25 ans d'écart... Est-ce qu'aujourd'hui, puisque tu t'entraînes avec Cyril dans la même équipe, c'est pour toi c'est une source d'inspiration ? Est ce que ça t'apporte quelque chose ?


Raphaël : C'est quand même un exemple pour l'équipe et pour moi, je suis jeune, il a plus de résultats. Je suis la relève donc l'objectif, c'est de le battre et en même temps de prendre l'expérience de tout ce qu'il a fait et de faire la continuité.

Pascaline : Je vais renvoyer la question à Cyril... : Cyril, quand tu vois un jeune comme ça, qui a l'air extrêmement motivé, et puis qui a des bons résultats aussi, à son âge, est-ce que pour toi... Est-ce que tu le vois comme un espoir ? Qu'est ce que tu lui souhaites ?


Comment tu vois la jeune relève arriver ?


Cyril : Raphaël, pas de problème, il va gagner une médaille mais c’est sa première fois, il est jeune, il a un bon niveau, il est en Pôle France. Il y a aussi Amadou en +100kg, je pense qu’il va gagner l’or. En -100kg il y avait Arthur mais il a changé de catégorie, il est en +100 aussi, il redescendra peut-être l’année prochaine.
En -90kg, je suis content, il y a Benjamin qui est nouveau. Je l’ai vu ce matin à l’entraînement, je le trouve très bien Benjamin. Raphaël aussi était très bien à l’entraînement.
C’est une bonne équipe de France qui développe toute la jeunesse, dans les différentes catégories !

Pascaline : Alors j'ai une dernière petite question que j'aime bien poser par rapport à votre parcours, passé et à venir. On sait que tous les champions, on les voit souvent quand ils ont la médaille autour du cou, mais s'ils ont la médaille un jour, c'est parce qu'ils ont su accepter de ne pas toujours l'avoir. Ils ont su se relever parfois sur certaines défaites... Ça demande beaucoup de qualités mentales... 


Comment vous gérez, l'un et l'autre, cette avancée dans le temps, en acceptant parfois de perdre ? 


Qu'est-ce qui vous fait surmonter, en fait, ces difficultés ? Parce qu'il y a plein de gens qui... se découragent en fait !

Raphaël : Moi ma motivation... J'ai un objectif ! Donc quand on perd une compétition, c'est frustrant. On a toujours ce côté-là, on se remet en question et tous les jours il faut se remettre en question, pourquoi on se lève, pourquoi on s'entraîne... C'est ça qui nous motive. Le travail, il ne faut pas oublier, ça paye toujours. Donc faut être rigoureux sur l'entrainement, Il faut accepter les difficultés et c'est justement ces difficultés-là qui nous permettent d'avancer. Il y a aussi des champions, comme Cyril, qui nous motive encore plus, qui nous donne une autre source de motivation pour reprendre la relève et... gagner !


Pascaline : Merci Raphaël, c'est un beau message ! Et toi Cyril ? Parce qu'en plus, Cyril, ça fait 25 ans que tu te lèves tous les matins pour travailler ! Qu'est-ce qui te fait lever chaque matin; malgré parfois les difficultés... On n'a pas tous les jours une médaille autour du cou...


Cyril : Pourquoi moi, je veux continuer ? Je veux 26 ans en Equipe de France pour les sourds, je veux à Paris aux championnats de France, une 2ème fois : déjà 2008 les championnats de France, + 2021 : à Paris, Versailles, je veux 9ème fois champion du monde et je veux une dixième fois champion du monde ! J'espère ! En plus de ça, je rêve... Je veux Raphaël et moi sur un même podium.


Pascaline : Yes ! On l'attend ce podium ! Merci beaucoup Anne, Anne Germain la kiné de l'Équipe de France paralympique. Vraiment un grand merci à vous !! Et puis évidemment, toutes les ondes de toute la communauté Secrets de Judokas
qui va regarder cette interview. On est tous derrière vous demain pour vous voir sur le podium... Et encore bravo pour votre parcours parce que vous inspirez des centaines,
des milliers de judokas, sur les tatamis mais aussi dans la vie, et ça c'est ce que je trouve de plus beau, donc bravo à vous !

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